Lundi 8 janvier, de retour à Paris, je reçois un coup de fil de J.C, un chineur qui a la particularité d'être payé par sa boite sans avoir besoin d'aller au bureau. Il est, comme on dit, au placard depuis cinq ans et touche plus de 20 000 FF par mois sans rien faire, usant de son temps libre à hanter les marchés aux puces et les foires à la recherche de trésors. J.C trouve parfois des merveilles et plus souvent des trucs sans intérêt mais, joueur de nature, il lui arrive d'échanger ses bonnes choses contre des œuvres faites pour rêver éternellement. Bref, il voudrait me voir pour me montrer une gouache non signée qui aurait été réalisée par Picasso pour une gravure éditée dans les années 1960 et me déclare qu'il aimerait bien me la vendre ou me l'échanger contre une pièce de ma collection. C'est un genre de jeu à qui perd gagne où les protagonistes de l'affaire peuvent s'échanger leurs fantasmes au sujet de ce qu'ils veulent bien troquer. Son Picasso est peut être authentique tout autant que la pièce que je possède et qu'il désire. A tout prendre, je préfère le dessin que j'ai vu il n'y a pas longtemps sur le mur de son salon qui a tout d'un Cézanne mais le bougre ne semble pas décidé à le lâcher.
Il me restera à examiner son Picasso pour me décider si celui-ci vaudra la peine d'un échange car il est pratiquement impossible d'obtenir un certificat pour une œuvre de ce dernier auprès de ses héritiers. Pour me consoler, je sais néanmoins que la pièce qu'il désire me voir échanger n'est pas plus facile à faire expertiser. C'est donc déjà un match nul en perspective mais entre-temps, lui comme moi nous amuserons comme des enfants désireux de s'approprier leurs jouets respectifs.