Samedi 5 mai 2007, le temps s'est refroidi brutalement forçant les chineurs à remettre leurs manteaux pour hanter le marché de Vanves où l'un d'eux, déjà excité par la récente découverte d'une étonnante gouache de Magritte, a trouvé un Gen Paul très coloré alors qu'un autre, doté d'une excellente vue, a eu la veine de trouver une liasse de beaux billets sur le trottoir. Au moins, celui-là ne s'était pas déplacé pour rien.
« Michael le puits de science » a été plutôt de mauvaise humeur après s'être fait montrer par un marchand surnommé « Le Pêcheur » un joli portrait de femme à la collerette datant du début du XVIIe siècle avant de s'entendre dire qu'un particulier devait venir le voir avec son épouse vers onze heures. Il le voulait, il ne l'a pas eu, ce qui a eu pour effet de le rendre maussade durant le reste de la journée.
Peu de visiteurs à Saint-Ouen, un marché plongé dans une sinistrose difficile à supporter d'autant plus qu'il n'y a guère de jardin pour s'y délasser ou se permettre de cueillir des fleurs, lesquelles seraient probablement fanées par les temps qui courent, ce qui fait que si un tel endroit existait, on ne ramasserait que de sinistres roses…
Dimanche 6 mai 2007, victoire de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle avec 53 (son âge)% des voix. A l'annonce de ce résultat, des manifestants déçus de la défaite de Ségolène Royal, sa rivale socialiste, ont affronté la police dans quelques villes de province et à Paris, notamment place de la Bastille, à quelques encablures de la foire à la brocante bi-annuelle dont les exposants n'avaient pas mesuré les risques inhérents à cette élection.
Il fallait s'y attendre puisque des casseurs ont réussi à forcer les grillages protégeant la grande tente à l'entrée de la foire et à saccager un stand avant d'être refoulés par les forces de l'ordre. Une belle frayeur pour les brocanteurs déjà inquiets du marasme auquel ils ont été confrontés depuis pas mal de temps.
Mercredi 9 mai, foire à la brocante du Bourget dont la tenue a paru inopportune en raison du pont de la semaine. Beaucoup de chineurs quand même mais peu d'exposants et pas de camelote valable à l'horizon. Il y avait toutefois un portrait au pastel de Vlaminck fumant la pipe d'après Derain portant la signature de l'artiste hongrois Hugo Scheiber sur lequel un marchand a jeté son dévolu en cédant un peu hâtivement au rêve car il s'agissait d'un faux grotesque.
Les faux et les copies pullulent désormais tant dans les foires que sur les sites de ventes aux enchères alors que les bonnes pièces se font de plus en plus rares. Normal, dira-t-on, puisque celles-ci ont été pour la plupart raflées entre durant ces vingt dernières années de sorte que les chineurs et les marchands ont été forcés de s'adapter au changement en allant vers d'autres domaines comme les arts des années 1970 ou en devenant plus sélectifs à l'achat. N'empêche, il y a encore de nouveaux trésors à découvrir mais il faut se décarcasser bien plus que naguère et avoir de surcroît beaucoup de chance.
La chance, elle, a semblé avoir fui l'impayable "J.R" rencontré durant l'après-midi en train de déambuler l'air quelque peu hagard dans une rue de Paris. Ressemblant à un rat effrayé tout juste sorti des eaux glauques d'un égout, il m'a raconté d'une voix inquiète être enquiquiné par la vente, réalisée pour le compte d'une tierce personne, de ce tableau du peintre japonais Oguiss déclaré faux par la suite.
"Il va falloir que le vendeur rembourse les 5000 euros payés par l'acheteur qui a fait tout un foin de cette affaire. J'ai peur d'avoir des problèmes, s'il ne s'exécute pas rapidement", m'a-t-il dit sur un ton angoissé.
Un Oguiss pour 5000 euros, c'était trop beau pour être vrai mais "J.R" a toujours eu cette manie irritante de croire, et surtout de persuader ceux qu'il contactait, que tout ce qui passait entre ses mains était authentique. Ce dangereux travers ayant fini par le placer dans une sale situation, aura-t-il encore une fois les moyens de s'en sortir sans dommage ? That is the question...
Jeudi 10 mai 2007, rencontre à Saint-Ouen avec un chineur heureux d'avoir trouvé à la foire de la Bastille, le lendemain de la journée marchande, un tableau du peintre Georges Bottini, devenu très recherché actuellement.
" Un beau coup de bol parce que lors de la journée marchande, le brocanteur qui me l'a vendu ne l'avait pas déballé en estimant qu'il en obtiendrait un meilleur prix de la part d'un particulier. J'y suis retourné parce qu'il voulait me montrer des bouquins qu'il avait oublié d'amener le jour de l'inauguration et voilà comment je suis tombé sur cette toile", a-t-il indiqué un peu hilare.