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« L’art et la vie ne faisant qu’un, c’est dans la recherche de la poésie de tous les jours, à base d’objets manufacturés ou de structures existantes, que je peux déterminer ma poétique » (Jean-Pierre Raynaud)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XVème Chapitre
J.R semble avoir retrouvé son flair
01 Mai 2002 |
Cet article se compose de 2 pages.
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Samedi 12 mai, J.R, qui continue à avaler des kilomètres dans les rues de Paris et dans les foires à la brocante, me téléphone pour m'annoncer qu'il a trouvé un superbe dessin de Ingres. «Vous êtes sûr qu'il s'agit d'un dessin et non d'un violon ?, » lui dis-je d'un ton narquois. Sur le coup, J.R ne comprend pas la blague et beugle au bout du fil qu'il s'agit bien d'un dessin signé de Ingres. Il tient à me le montrer pour obtenir mon avis et savoir si je ne connais pas un collectionneur qui serait susceptible d'acheter ce « chef d'œuvre ». Une heure plus tard, je me rends la Porte de Clichy tout en pensant perdre encore mon temps mais à la vue de ce fameux dessin représentant une scène religieuse, je tressaille et me dis que le bougre a enfin mis la main sur quelque chose de valable. Je veux bien être pendu, il s'agit incontestablement d'une œuvre de qualité qui correspond parfaitement à la patte du maître. - Bravo ! Mais maintenant, il ne vous reste plus qu'à obtenir un certificat d'authenticité pour le vendre… Le sourire qui éclairait le visage de J.R il y a quelques secondes s'estompe vite et je n'ai guère besoin de me creuser les méninges pour savoir pourquoi. Il n'a pas le temps d'attendre le verdict d'une expertise et ce qu'il désire, c'est de trouver dans la semaine un acheteur susceptible de le faire authentifier illico parce qu'il est à sec. « Vous ne connaissez personne qui soit disposée à m'avancer 7 000 euros avant de l'acheter ? », me demande-t-il d'une voix mal assurée. Malheureusement pour lui, aucun acheteur ne prendrait le risque de mettre une telle somme sur la table avant d'avoir la certitude de l'authenticité de ce dessin et J.R devra donc se débrouiller seul pour avoir un certificat. Mais, serré à la gorge, il finira bien par larguer rapidement ce beau dessin pour trois fois rien.
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Samedi 12 mai, J.R, qui continue à avaler des kilomètres dans les rues de Paris et dans les foires à la brocante, me téléphone pour m'annoncer qu'il a trouvé un superbe dessin de Ingres. «Vous êtes sûr qu'il s'agit d'un dessin et non d'un violon ?, » lui dis-je d'un ton narquois. Sur le coup, J.R ne comprend pas la blague et beugle au bout du fil qu'il s'agit bien d'un dessin signé de Ingres. Il tient à me le montrer pour obtenir mon avis et savoir si je ne connais pas un collectionneur qui serait susceptible d'acheter ce « chef d'œuvre ». Une heure plus tard, je me rends la Porte de Clichy tout en pensant perdre encore mon temps mais à la vue de ce fameux dessin représentant une scène religieuse, je tressaille et me dis que le bougre a enfin mis la main sur quelque chose de valable. Je veux bien être pendu, il s'agit incontestablement d'une œuvre de qualité qui correspond parfaitement à la patte du maître. - Bravo ! Mais maintenant, il ne vous reste plus qu'à obtenir un certificat d'authenticité pour le vendre… Le sourire qui éclairait le visage de J.R il y a quelques secondes s'estompe vite et je n'ai guère besoin de me creuser les méninges pour savoir pourquoi. Il n'a pas le temps d'attendre le verdict d'une expertise et ce qu'il désire, c'est de trouver dans la semaine un acheteur susceptible de le faire authentifier illico parce qu'il est à sec. « Vous ne connaissez personne qui soit disposée à m'avancer 7 000 euros avant de l'acheter ? », me demande-t-il d'une voix mal assurée. Malheureusement pour lui, aucun acheteur ne prendrait le risque de mettre une telle somme sur la table avant d'avoir la certitude de l'authenticité de ce dessin et J.R devra donc se débrouiller seul pour avoir un certificat. Mais, serré à la gorge, il finira bien par larguer rapidement ce beau dessin pour trois fois rien.
Dimanche 12 mai, un ami collectionneur m'invite à l'accompagner voir un quidam demeurant en plein territoire africain du quartier Barbès qui aurait plus de 400 bronzes ainsi qu'une huile de Corot à vendre. Sur le coup, je trouve vraiment louche qu'un type possédant un tel trésor puisse habiter dans un tel endroit. Pas facile de se garer dans cet incroyable souk jusqu'au moment où j'avise une place libre sans me rendre compte qu'un embout de ferraille destiné à l'emboîtement d'une barrière est fiché dans le goudron près du trottoir. Inutile de dire que le pneu de ma voiture a rendu l'âme en montant dessus, ce qui a suscité les rires moqueurs d'une bonne dizaine de badauds. Enervé, je décide de reporter le remplacement de ce pneu à plus tard et rejoins mon ami qui m'attend au bas d'un immeuble dans une rue mitoyenne. Arrivés à l'étage indiqué, un type au crâne rasé à l'iroquoise que j'ai souvent vu chiner à Saint-Ouen nous ouvre sa porte et nous fait pénétrer religieusement dans son salon où sont serrées comme des sardines des dizaines de sculptures en bronze, la plupart malheureusement de piètre qualité. Quant au Corot, il s'agit en fait d'un pastiche ancien dont son propriétaire serait prêt à se séparer pour 30 000 euros. Pas moins ! Pour les rares bonnes pièces qu'il possède, « L'Iroquois » demande également des prix à foutre des crampes d'estomac qui nous amènent à déguerpir sans plus attendre. Fichue soirée…
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