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Le journal d'un fou d'art
Chapitre :
24 titres
XXIIème Chapitre
Des bassines et des vaisselles
01 Janvier 2005 |
Cet article se compose de 3 pages.
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Mercredi 5 janvier 2005, consacrée en soirée au marché de l'art et en particulier aux chineurs, l'émission « Des Racines et des Ailes » sur France 3 n'a finalement été qu'une fade tambouille difficile à digérer. Côté racines, elle a semblé reliée à un tronc creux. Côté ailes, elle n'a jamais décollé. Pourtant, le sujet était très alléchant puisqu'il était question de la troisième passion des Français, les foires à la brocante accueillant près de 40 millions de visiteurs par an. Au bout du compte, on a vu un marchand de Saint-Ouen installé au carré Serpette chiner en province et dans un château délabré des babioles pour quelques centaines d'euros revendues ensuite trois à cinq fois plus cher à des voisins ou à des confrères venus s'approvisionner aux puces. Bizarrement, il n'y a eu qu'un lit d'époque Louis XVI, acheté pour environ 200 euros, qui n'a pas trouvé d'emblée preneur à 600 euros. Je souligne bizarrement car il valait bien plus de mille euros. On a ensuite suivi le plus jeune commissaire-priseur de France paraissant sacrément vieilli avant l'âge en train de procéder à l'inventaire d'une succession et de préparer une vente en compagnie de son expert qui de son côté, a semblé mettre un temps fou pour découvrir qu'un groupe en bronze sur une pendule représentant un combat de chevaliers du Moyen-Âge était de Gechter, ce que n'importe quel amateur averti aurait pu deviner en moins de cinq minutes. Etrangement, personne n'a su ce qu'il était advenu du magnifique tableau de Largillière découvert par l'officier ministériel lors de son inventaire. Dommage. On a ensuite eu bien du mal à verser une larme compatissante lorsque l'antiquaire Philippe Perrin a appris durant le reportage qui lui été consacré que le bureau en acajou de la fin du XVIIIe siècle qu'il s'apprêtait de présenter à la Biennale n'était pas celui de Napoléon Bonaparte à la Malmaison comme une aquarelle datant de 1826 ou le bordereau d'adjudication datant de 1829 l'avaient laissé croire. Provenant quand même du château et désormais libre de quitter le territoire, ce bureau pourrait finalement être vendu à un bon prix tout en étant peut-être présenté comme ayant appartenu à Joséphine. Qui sait? Ayant déjà sa racine, il trouvera bien des ailes. Au passage, on nous a montré une chineuse bon chic bon genre, collectionneuse d'orfèvrerie et habituée de l'Hôtel Drouot, pâlir d'inquiétude en ne trouvant pas tout de suite un poinçon à la minerve sur un moutardier ne valant pas tripette et qu'elle aurait refusé de payer si il n'avait pas été en argent. Non mais ! Pour finir, on nous a offert les tribulations de deux gros bébés joufflus, antiquaires à la Nouvelle-Orléans, cornaqués par un ancien brocanteur parisien devenu guide de marchands ricains dans les foires à la brocante de l'Hexagone. Les deux « big boys » nourris au pancake et au ketchup ont raflé pour 150 000 euros de meubles et objets quelconques que seuls de nouveaux riches dépourvus de la notion de raffinement se font d'ordinaire un plaisir d'acheter. On a eu ainsi en prime l'incroyable visite des deux compères faite chez leur cliente favorite, « Mrs Gogo » en personne, extasiée devant la caméra de se faire refiler pour 9 000 euros un vulgaire pétrin en bois sculpté de la fin du XIXe siècle et un angelot en bois doré à l'allure d'un gnome destinés à orner un intérieur bourré d'objets et de meubles kitsch à souhait. A ce tarif là, on n'a pas été étonné d'apprendre que ces joyeux partenaires allaient vite repartir en campagne pour ramener un autre conteneur chargé de drouilles dont les Français n'ont vraiment que faire. Au final, on n'a eu droit à aucune révélation sur la prétendue passion des Français pour la chine et sur ce qu'ils achètent d'autant plus que n'importe quel chineur sait bien que la survie des foires à la brocante dépend avant tout de la clientèle étrangère. Ayant traîné mes guêtres dans des centaines de ces manifestations, j'ai surtout vu les particuliers n'acheter en général que des pièces détachées, des CD, des appareils ménagers encore en état de fonctionner, des BD, des vélos et autres bidules qui n'ont pas grand chose à voir avec les antiquités. Si phénomène de société il y a, c'est que cette passion n'est en fait rien d'autre pour des gens confrontés à la pauvreté qu'un moyen d'acquérir pour quelques euros des choses essentielles ou utiles qu'ils ne peuvent s'offrir au prix du neuf. Pour le reste, les chineurs savent bien qu'il est devenu de plus en plus difficile de trouver des pièces valables dans ces foires et que le Français moyen a d'autres préoccupations en tête que de s'offrir des objets d'art et des tableaux. Cette fois-ci, l'émission "Des racines et des ailles" aurait dû plutôt être baptisée « des bassines et des vaisselles »…
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Mercredi 5 janvier 2005, consacrée en soirée au marché de l'art et en particulier aux chineurs, l'émission « Des Racines et des Ailes » sur France 3 n'a finalement été qu'une fade tambouille difficile à digérer. Côté racines, elle a semblé reliée à un tronc creux. Côté ailes, elle n'a jamais décollé. Pourtant, le sujet était très alléchant puisqu'il était question de la troisième passion des Français, les foires à la brocante accueillant près de 40 millions de visiteurs par an. Au bout du compte, on a vu un marchand de Saint-Ouen installé au carré Serpette chiner en province et dans un château délabré des babioles pour quelques centaines d'euros revendues ensuite trois à cinq fois plus cher à des voisins ou à des confrères venus s'approvisionner aux puces. Bizarrement, il n'y a eu qu'un lit d'époque Louis XVI, acheté pour environ 200 euros, qui n'a pas trouvé d'emblée preneur à 600 euros. Je souligne bizarrement car il valait bien plus de mille euros. On a ensuite suivi le plus jeune commissaire-priseur de France paraissant sacrément vieilli avant l'âge en train de procéder à l'inventaire d'une succession et de préparer une vente en compagnie de son expert qui de son côté, a semblé mettre un temps fou pour découvrir qu'un groupe en bronze sur une pendule représentant un combat de chevaliers du Moyen-Âge était de Gechter, ce que n'importe quel amateur averti aurait pu deviner en moins de cinq minutes. Etrangement, personne n'a su ce qu'il était advenu du magnifique tableau de Largillière découvert par l'officier ministériel lors de son inventaire. Dommage. On a ensuite eu bien du mal à verser une larme compatissante lorsque l'antiquaire Philippe Perrin a appris durant le reportage qui lui été consacré que le bureau en acajou de la fin du XVIIIe siècle qu'il s'apprêtait de présenter à la Biennale n'était pas celui de Napoléon Bonaparte à la Malmaison comme une aquarelle datant de 1826 ou le bordereau d'adjudication datant de 1829 l'avaient laissé croire. Provenant quand même du château et désormais libre de quitter le territoire, ce bureau pourrait finalement être vendu à un bon prix tout en étant peut-être présenté comme ayant appartenu à Joséphine. Qui sait? Ayant déjà sa racine, il trouvera bien des ailes. Au passage, on nous a montré une chineuse bon chic bon genre, collectionneuse d'orfèvrerie et habituée de l'Hôtel Drouot, pâlir d'inquiétude en ne trouvant pas tout de suite un poinçon à la minerve sur un moutardier ne valant pas tripette et qu'elle aurait refusé de payer si il n'avait pas été en argent. Non mais ! Pour finir, on nous a offert les tribulations de deux gros bébés joufflus, antiquaires à la Nouvelle-Orléans, cornaqués par un ancien brocanteur parisien devenu guide de marchands ricains dans les foires à la brocante de l'Hexagone. Les deux « big boys » nourris au pancake et au ketchup ont raflé pour 150 000 euros de meubles et objets quelconques que seuls de nouveaux riches dépourvus de la notion de raffinement se font d'ordinaire un plaisir d'acheter. On a eu ainsi en prime l'incroyable visite des deux compères faite chez leur cliente favorite, « Mrs Gogo » en personne, extasiée devant la caméra de se faire refiler pour 9 000 euros un vulgaire pétrin en bois sculpté de la fin du XIXe siècle et un angelot en bois doré à l'allure d'un gnome destinés à orner un intérieur bourré d'objets et de meubles kitsch à souhait. A ce tarif là, on n'a pas été étonné d'apprendre que ces joyeux partenaires allaient vite repartir en campagne pour ramener un autre conteneur chargé de drouilles dont les Français n'ont vraiment que faire. Au final, on n'a eu droit à aucune révélation sur la prétendue passion des Français pour la chine et sur ce qu'ils achètent d'autant plus que n'importe quel chineur sait bien que la survie des foires à la brocante dépend avant tout de la clientèle étrangère. Ayant traîné mes guêtres dans des centaines de ces manifestations, j'ai surtout vu les particuliers n'acheter en général que des pièces détachées, des CD, des appareils ménagers encore en état de fonctionner, des BD, des vélos et autres bidules qui n'ont pas grand chose à voir avec les antiquités. Si phénomène de société il y a, c'est que cette passion n'est en fait rien d'autre pour des gens confrontés à la pauvreté qu'un moyen d'acquérir pour quelques euros des choses essentielles ou utiles qu'ils ne peuvent s'offrir au prix du neuf. Pour le reste, les chineurs savent bien qu'il est devenu de plus en plus difficile de trouver des pièces valables dans ces foires et que le Français moyen a d'autres préoccupations en tête que de s'offrir des objets d'art et des tableaux. Cette fois-ci, l'émission "Des racines et des ailles" aurait dû plutôt être baptisée « des bassines et des vaisselles »…
Vendredi 7 janvier 2005, déjà condamné en Suisse pour avoir volé des objets d'art dans des musées helvétiques, Stéphane Breitwieser a eu à répondre devant la justice française de pareils méfaits commis en France avant d'avoir affaire aux tribunaux de plusieurs autres pays pour le même motif. Dépressif, ce Mulhousien, auteur de près de 300 vols en Europe durant plusieurs années, a tenté de se pendre dans sa cellule après avoir regretté d'avoir causé du tort à sa mère. En attendant, le tribunal correctionnel de Strasbourg l'a condamné à la peine maximale de 3 ans de prison assortie de dix mois avec sursis alors que sa chère mère, qui avait détruit de nombreuses oeuvres entreposées chez elle en apprenant l'arrestation de son rejeton en Suisse, a été condamnée à 18 mois d'emprisonnement pour ces destructions alors qu'elle risquait une punition plus sévère pour recel. La loi veut en effet que la peine maximale pour recel soit trois fois plus lourde que celle punissant un vol. Pourtant, logiquement, faute de voleurs, il n'y aurait pas de receleurs. A tout le moins, on pourrait donc imaginer que le fait de punir les voleurs aussi sévèrement que les receleurs aurait pour effet de provoquer la diminution des vols d'objets d'art. Trois ans de prison, cela veut dire qu'avec le jeu des remises de peine, un délinquant peut se retrouver à l'air libre au bout de 18 mois et recommencer ses rapines mais il est vrai qu'en s'en prenant plus durement aux receleurs, la justice sait pertinemment qu'en général, ceux-ci sont financièrement plus à même que les voleurs pour payer les fortes amendes qu'elle leur inflige. Dans la nuit du 10 au 11 janvier 2005, profitant du fait que le système d'alarme du Westfries Museum de la petite ville hollandaise de Hoorn n'était pas activé, des voleurs se sont introduits dans le bâtiment datant de 1632 et sont repartis avec plusieurs tableaux de maîtres du XVIIe siècle et de l'argenterie ancienne valant au bas mot une dizaine de millions d'euros. De deux choses l'une, soit les voleurs n'ont pas été très futés en s'emparant de toiles dûment répertoriées, donc invendables, soit ils ont commis leur larcin en comptant obtenir une rançon du musée. Le vol a été d'une importance telle que la police a estimé que deux personnes n'ont probablement pas suffi pour emporter le butin constitué d'au moins 25 aquarelles et tableaux et de plusieurs dizaines de kilos d'argenterie. Bizarrement, le système d'alarme sophistiqué, vérifié trois jours plus tôt, avait été désactivé alors qu'aucun gardien n'était présent dans le musée au moment du vol. Les responsables du musée ont notamment enregistré la disparition d'oeuvres importantes comme un paysage avec une charrette de Jan Van Goyen datant de 1632, une nature morte de Floris van Schouten, des paysages d'hiver de Salomon Rombouts et de Claes Molenaer et des aquarelles de natures mortes par Herman Henstenburgh. Le 12 janvier 2005, le quotidien britannique "The Independent" a annoncé qu'un atelier de Léonard de Vinci aurait été découvert dans une partie condamnée du couvent des Serviteurs de Marie jouxtant la basilique de la Sainte Annonciation à Florence. L'atelier en question contient des fresques présentant d'incroyables ressemblances avec d'autres exemples connus dans l'oeuvre de Vinci. L'une d'elles montre des oiseaux voletant autour d'une Vierge Marie assez effacée, qui, selon les chercheurs italiens qui ont étudié cette découverte, constitueraient une citation claire des études du peintre sur le vol des oiseaux. Par ailleurs, un ange peint sur un des côtés de la fresque ressemblerait d'une manière frappante à celui figurant sur "L'Annonciation" conservée au Musée des Offices de Florence. D'après des lettres écrites par Pietro di Novarella à Isabelle d'Este et citées par Vasari dans ses "Vies des peintres" en 1550, les historiens n'étaient pas savoir que les locaux redécouverts récemment avaient été utilisés comme ateliers par Vinci. Cette découverte démontre que d'autres chefs d'oeuvre de Vinci ont été probablement oubliés dans des endroits murés et qu'il reste peut-être à mieux fouiller la dernière demeure de l'artiste à Amboise. Sait-on jamais. En attendant, le mythique Vinci fera toujours autant rêver et couler beaucoup d'encre... Justement, le lendemain, le directeur régional des biens culturels en Toscane, a réfuté les affirmations du quotidien britannique en estimant que les fresques retrouvées dans le couvent n'étaient pas de la main de Vinci. Il a toutefois reconnu que les salles les abritant avaient probablement servi d'atelier au maître vers l'an 1500. Bref, si on comprend bien, les découvreurs de ces fresques ont transformé vingt citrouilles en autant de carrosses... Il n'a jamais été facile d'authentifier des découvertes en peinture ou en sculpture et le monde de l'art n'aura jamais fini d'être secoué par des contestations. A Paris, la dernière en date a concerné la vente des 24 lots de la collection du mystérieux "docteur K." le 16 décembre 2004 au Crédit Municipal laquelle a rapporté 2,1 millions d'euros et provoqué bien des interrogations. D'une part, aucun spécialiste en archéologie ne connaissait l'existence de cette collection qui aurait été constituée à la fin du XIXe siècle par un Alsacien installé en Afrique du Nord. L'arrière-grand père du docteur K aurait ainsi commencé à acheter des pièces d'Antiquité en Europe et au Maghreb et la collection serait revenue en France au début des années 1960. Ce n'est que dans le courant de l'année 2004 que des marchands et des conservateurs de musée ont entendu parler de cette collection mise en gage au Crédit Municipal par le vendeur qui aurait ainsi obtenu un prêt pour acquérir d'autres pièces. Figurant parmi les lots offerts à la vente, un bronze représentant Satyre portant Bacchus, mentionné au catalogue comme étant une oeuvre d'art hellénistique du 1er siècle avant J.-C, a été adjugé pour la somme faramineuse de 1,8 million d'euros. Cette sculpture avait été auparavant nettoyée par le spécialiste Michel André qui a été fort marri de constater que son rapport de restauration avait servi de caution à la vente. Ce dernier a estimé que ce bronze lui a paru authentique mais des spécialistes ont tiqué à la vue de détails peu soignés et sur le fait que le métal paraissait plutôt jaune, ce qui trahirait une falsification. Par contre, une Vénus debout sur sa jambe droite en bronze à patine vert foncé à taches rouges aux yeux autrefois incrustés d'argent, un travail romain du 1er siècle de notre ère estimé entre 600 000 et 800 000 euros, est restée invendue malgré sa superbe qualité. C'est surtout l'absence de provenance qui a inquiété ces spécialistes qui se sont également posé des questions au sujet d'un magnifique cratère en calice, une céramique à figures rouges sur fond noir, un authentique travail grec du Ve siècle avant J.-C., qui est resté invendu à 170 000 euros surtout en raison du fait que personne n'en avait jusque là entendu parler. Les experts détestent souvent avoir affaire à des redécouvertes qui les obligent à se creuser les méninges pour les authentifier et à se torturer l'esprit quant à savoir d'où elles sortent.
Vendredi 14 janvier 2005, ambiance morose au marché aux puces de Saint-Ouen où plusieurs marchands ont décidé de mettre la clé sous la porte après plusieurs mois de disette. Les Français sont affectés par une profonde sinistrose en se laissant aller de plus à la résignation et à l'angoisse. Le pessimisme ambiant n'est donc pas de nature à leur donner les moyens de sortir de la crise qui touche le pays d'autant plus que seul le gouvernement est en mesure de prendre des mesures pour essayer de relancer l'économie.
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