Les historiens d'art ont souvent évoqué la formidable expansion de l'art américain après la Seconde Guerre Guerre Mondiale et la main-mise des Etats-Unis qui a suivi sur le marché de l'art en trouvant maintes explications à ce phénomène. Le succès extraordinaire d'artistes comme Jackson Pollock, Mark Rothko, Roy Lichtenstein, Willem de Kooning, Jasper Johns et même Andy Warhol a été avant tout mis sur le compte du désir profond des Américains de contre-balancer l'influence de l'art européen et surtout français d'après-guerre. La puissance économique des Etats-Unis et leur appétit féroce visant à imposer une nouvelle culture ont donc servi de rampes de lancement adéquates à ces artistes devenus les vedettes incontestables du marché à la fin des années 1970 lorsque la guerre froide battait encore son plein.
Ce que l'on sait moins, c'est que les Etats-Unis se sont servis d'un outil redoutable pour imposer leur nouvelle vision de l'art, c'est à dire la CIA…
A ce sujet, je n'invente rien puisque cette révélation a été faite ce 5 juin en soirée à la télévision lors de l'émission littéraire animée par Guillaume Durand et il est certain que celle-ci en choquera plus d'un parce que l'on a plutôt tendance à croire que le domaine culturel n'offre que peu d'intérêt aux espions. Erreur!
Les agents secrets américains ont ainsi tout fait pour mettre au point une sorte de stratégie infernale visant à détruire l'influence européenne dans le domaine de l'art via leur combat contre l'Union Soviétique jusqu'à la fin des années 1980. De cette manière, ils ont fortement encouragé les grands musées américains à donner la priorité aux artistes d'outre-Atlantique en matière d'achats sans se gêner en retour de faire de l'ombre à ceux des pays alliés. Voilà donc comment en 30 ans, l'art contemporain européen a fini par être relégué au second plan avec pour finir une distorsion incroyable entre les prix atteints dans des galeries ou des ventes à New York et ceux enregistrés dans la vieille Europe, tout cela grâce à un véritable programme de contre-culture mis en place par la CIA. Entre un Willem de Kooning ou un Jasper Johns à dix millions de dollars et un Soulages à 200 000 dollars sur le marché, il n'y a donc pas photo sauf que les deux premiers cités ont bénéficié d'un coup de pouce incroyable pour voler la vedette à tant d'artistes européens.
Penser qu'un service secret d'un pays européen s'emploierait à monter la cote d'un de ses artistes relèverait à première vue de l'inconcevable alors qu'une telle initiative a été concoctée le plus simplement du monde par les services américains avec le bénéfice fantastique que l'on connaît.
On a toujours cru que la CIA s'était contentée de mener de classiques opérations politiques et de renseignement à travers la planète sans se douter que l'agence américaine avait monté un énorme programme de déstabilisation au niveau culturel, certes contre l'influence communiste en art mais par ricochet contre toutes les écoles européennes qui s'y tenaient pourtant à l'écart avec pour résultat de faire des Etats-Unis le pays phare en matière de création contemporaine. Pollock, Johns, de Kooning et consorts peuvent donc dire un grand merci aux petits génies de la CIA alors qu'on comprend mieux pourquoi la France s'est battue récemment avec tant d'acharnement en faveur de l'exception culturelle.
Vendredi 6 juin, ambiance plus que morose à Saint-Ouen où les marchands s'arrachent les cheveux à force de ne pas voir de clients depuis des semaines. Ils ne sont toutefois pas les seuls à se plaindre puisque la situation n'est pas meilleure à Paris du côté de la Rive Droite ou de la Rive Gauche.
Certains marchands sont même au bord du gouffre comme ce galeriste parisien qui vient d'être arrêté par la police pour avoir vendu une œuvre de Jacques-Louis David qui lui avait été confiée par de riches particuliers qui en retour n'avaient jamais empoché le produit de la vente (près de 300 000 euros) et pour cause, l'indélicat s'en étant servi pour rembourser ses dettes…
Bref, certains marchands perdent les pédales alors que l'économie tourne au ralenti. A cet égard, les professionnels de l'art craignent que la reprise n'interviendra pas avant six mois, un temps suffisant pour en mettre un bon nombre sur la paille…