Les enfants d'un octogénaire de l'Indre viennent d'apprendre que la toile fatiguée que ce dernier avait punaisée sur le mur de leur chambre était en fait une œuvre de jeunesse d'Eugène Delacroix. L'œuvre en question représente une marine et porte la signature du maître. Un beau jour, les enfants du vieil homme ont décidé de la soumettre à un spécialiste en peinture de la région qui n'a pas manqué de sursauter en l'examinant. Celui-ci est catégorique, il s'agit d'un authentique Delacroix qui pourrait bien valoir plus de 20 millions de francs. Il reste maintenant à l'analyser et dans le cas d'une opinion favorable, le restaurer et le mettre sur châssis.
Peut-on imaginer combien de trésors dorment ainsi à travers la France ? Probablement encore une flopée. En attendant, cette histoire ne cesse plus de faire rêver les chineurs de l'Hexagone.
La nouvelle ayant été diffusée par la presse et la télévision, des milliers de foyers vont probablement être passés au peigne fin par leurs occupants qui ne vont plus considérer les croûtes accrochées sur leurs murs comme de vulgaires chromos.
Il suffirait d'ailleurs qu'un producteur de télévision se mette en tête de lancer une émission du genre «Cherchez vos trésors à la maison» pour que la France entière se livre à un jeu passionnant qui consisterait à retourner leurs domiciles, leurs greniers et leurs caves en dessus-dessous pour dénicher ce qui représenterait un véritable billet gagnant du loto.
On finira bien par découvrir que le tableau chargé de vernis jauni qui trône dans le salon depuis des lustres est un authentique Poussin, que les vieux papiers entassés dans un coin du grenier sont en fait des dessins de grands maîtres, que le vase en verre décoré de fleurs en reliefs est en réalité une pièce rare de Gallé, que la commode déglinguée qui dort dans la cave est en fait un chef d'œuvre de Boulle ou de RVLC et je ne sais qui encore.
Heureux les antiquaires qui pouvaient arracher pour une bouchée de pain un magnifique trésor entre les années 1920 et 1970 car aujourd'hui, avec le système d'information qui treille le monde, les individus ne restent plus dans l'ignorance.
Cherchez et vous trouverez. Voilà une belle maxime à remettre au goût du jour car il ne se passe pas une seule semaine dans l'année sans que l'on ressorte une œuvre majeure oubliée depuis des lustres. Disons qu'il reste devant nous moins d'une vingtaine d'années pour faire le tour de la question car les choses vont de plus en plus vite.
Ensuite, il ne restera pratiquement plus rien à découvrir en dehors des fouilles archéologiques. Tout sera remisé dans des musées ou dans des collections prestigieuses et les seules œuvres qu'on trouvera sur le marché seront contemporaines.
Les chineurs qui vivaient au XIXe et jusqu'au début des années 1970, ne connaissaient pas vraiment leur bonheur. L'ennui est qu'il n'y avait pas un marché aussi développé qu'aujourd'hui. A titre d'exemple, un tableau primitif, allemand ou italien, ne valait qu'un millier de francs d'aujourd'hui au début du XIXe siècle. Il fallut aussi un Viollet-le-Duc pour remettre le Moyen-Age en lumière après 1830 mais les collectionneurs ne formaient pas encore un gros contingent. Avant 1900, les Impressionnistes n'étaient pas au goût du jour. Quelques années plus tard, ils devinrent les valeurs sûres d'un marché qui n'était qu'à ses premiers véritables balbutiements.
A présent, presque tous les domaines ont été tamisés et les chineurs en sont réduits à ne ramasser que des miettes alors que les redécouvertes se font de plus en plus rares. Ainsi va la vie...