Mardi 18 juillet, j'ai rendez-vous avec un commissaire-priseur de la région parisienne qui organise également des ventes dans le sud-ouest de la France deux fois par an. Au bout de quelques minutes, nous en venons à évoquer la situation du marché de l'art et voilà soudainement qu'il me parle de la prochaine réforme de sa profession qui devrait devenir effective dans quelques mois. - Les choses vont sacrément changer. Figurez-vous que mon associé me quitte à la fin de l'année et qu'il m'est venu à l'idée que vous pourriez lui succéder. Selon la réforme, il suffira que l'un des associés soit commissaire-priseur pour qu'une société de vente puisse fonctionner. Qu'en pensez-vous ?
Je reste sans voix et ébahi, incapable de répondre d'emblée à cette stupéfiante proposition, et en même temps, je ne puis m'empêcher de penser qu'une occasion unique m'est donnée de réaliser un rêve de gosse. Mais comment faire pour concilier mon métier de journaliste et d'historien d'art avec cette fonction excitante qui promet cependant d'être très prenante ? Je me suis tellement investi dans le domaine de l'Internet qu'il me serait quasiment impossible de consacrer une bonne partie de mon temps à organiser des ventes aux enchères. L'offre me paraît cependant diablement tentante et je me surprends à répondre : «Pourquoi pas ?».
Voilà une belle opportunité d'aller de l'autre côté de la barrière, de scruter et de dévisager le public d'une salle de ventes à partir du pupitre de l'officiant, de jouer au bateleur, d'ironiser sur l'attitude hésitante d'un enchérisseur, de houspiller ceux qui perturbent une vacation, d'exciter la rivalité entre des acheteurs, de se mettre dans la peau d'un diable tentateur pour susciter l'envie pour tel ou tel objet ou tableau et de maintenir un certain suspense dans la salle avant de faire tomber le marteau. Un beau programme en perspective, allié à celui de faire des inventaires chez des particuliers et de dénicher des trésors oubliés. Il va me falloir réfléchir sérieusement au sujet de cette proposition alléchante.
UN CHEIKH SANS PROVISION
Mercredi 19 juillet, un Cheikh du Sultanat d'Oman, rencontré en déambulant aux Puces le dimanche précédent et qui m'avait parlé de deux tableaux extraordinaires qu'il venait d'acheter, un Vermeer et un Frans Hals, pas moins, m'appelle sur mon portable. Il veut me voir d'urgence pour me montrer ses acquisitions. J'accepte avec réticence, n'ayant pas vraiment le temps de jouer au bon Samaritain et laisser en plan mes occupations.
J'arrive à son hôtel et il m'invite illico dans sa chambre où il me parle en anglais d'une manière volubile de ses relations avec les grands de ce monde et me montre des courriers de son souverain, d'un général américain, d'une biologiste réputée et du Prince de Monaco. Puis il évoque les retombées chimiques dans la région du Golfe Persique suite à la guerre de 1991, ce qui ne manque pas de faire monter mon impatience crescendo car l'heure tourne.