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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
Ier Chapitre
LA RUEE DES CHINEURS
01 Juin 2000 |
Cet article se compose de 2 pages.
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Vendredi 23 juin, ruée des chineurs sur un stand du marché Paul Bert à Saint-Ouen à 6 heures 15 précises. Un rituel immuable qui donne lieu à une mêlée indescriptible avec l'attente pour chacun de voir un trésor sortir d'un carton comme un lapin du chapeau d'un magicien. Le marchand qui déballe sa marchandise est happé par la meute, asphyxié, mitraillé de «combien ?». Il semble hagard, répondant comme un automate aux demandes des uns et des autres. «Sept mille», «quinze mille», «vingt-cinq mille», lâche-il successivement tout en essayant de garder un œil sur sa camelote que des déchaînés manipulent sans grande précaution. Ils sont tombés sur le stand comme une nuée de sauterelles et la moindre étincelle provoquée par la convoitise pour un objet risque de mettre le feu aux poudres, c'est à dire déclencher une bagarre. Cela me rappelle une scène cocasse et en même temps dantesque qui se déroula il y a une vingtaine d'années au marché aux Puces de Montreuil. Une foule de chineurs s'était agglutinée au cul d'un camion qui venait d'arriver. Une fois la porte arrière ouverte, ce fut une incroyable ruée. Un couple mit la main sur un sous-verre et demanda prestement son prix. «50 FF !», cria l'assistant du marchand qui s'éloigna, laissant la femme avec le sous-verre dans les mains. Elle trépigna d'impatience puis alla voir son patron qui, constatant qu'elle tenait en fait un Modigliani annonça : «50 000 FF !». Elle protesta et apostropha le marchand en lui précisant que son acolyte lui avait demandé 50 FF. Le brocanteur l'envoya alors balader, ce qui la rendit furieuse et leur altercation provoqua alors une véritable émeute entre les personnes qui vinrent soutenir la chineuse et celles qui décidèrent de prendre le parti du marchand. Dans la bagarre, ce dernier tenta d'arracher le sous-verre des mains de la femme mais la vitre se cassa et les doigts de la chineuse furent profondément entaillés tandis que son compagnon se frotta violemment à son agresseur. Finalement, elle eut gain de cause et repartit avec sa précieuse acquisition. Quelques minutes plus tard, accoudée au comptoir d'un café, les mains toujours ensanglantées, elle contempla son trésor puis constata à la lumière des néons qu'il ne s'agissait que d'une vulgaire reproduction. Ce genre d'accrochage entre chineurs n'est pas rare surtout lorsque la soif de faire un coup et l'appât du gain s'en mêlent. Un jour de 1989 aux Puces de Saint-Ouen, deux marchands en vinrent ainsi aux mains pour une série de 70 tableaux en grisaille du peintre Myrbach représentant des scènes de la Révolution et de l'Empire. L'un avait fait une offre au vendeur et l'autre s'était interposé en proposant à ce dernier une somme plus conséquente, ce qui ne se fait pas tant qu'un chineur garde la main sur un objet qu'il désire acheter. En l'occurrence, le premier tenait encore un des tableaux lorsqu'il avait fait son offre et voyant son rival du moment intervenir, il avait foncé droit sur lui afin d'en découdre. La lutte avait été brève mais violente avec pour résultat une paire de lunettes cassée pour celui qui avait osé se mêler à la négociation sans y être invité. Il y a donc des codes à respecter et y déroger c'est s'exposer à ce qui peut être une douloureuse mise au "poing"…
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Vendredi 23 juin, ruée des chineurs sur un stand du marché Paul Bert à Saint-Ouen à 6 heures 15 précises. Un rituel immuable qui donne lieu à une mêlée indescriptible avec l'attente pour chacun de voir un trésor sortir d'un carton comme un lapin du chapeau d'un magicien. Le marchand qui déballe sa marchandise est happé par la meute, asphyxié, mitraillé de «combien ?». Il semble hagard, répondant comme un automate aux demandes des uns et des autres. «Sept mille», «quinze mille», «vingt-cinq mille», lâche-il successivement tout en essayant de garder un œil sur sa camelote que des déchaînés manipulent sans grande précaution. Ils sont tombés sur le stand comme une nuée de sauterelles et la moindre étincelle provoquée par la convoitise pour un objet risque de mettre le feu aux poudres, c'est à dire déclencher une bagarre. Cela me rappelle une scène cocasse et en même temps dantesque qui se déroula il y a une vingtaine d'années au marché aux Puces de Montreuil. Une foule de chineurs s'était agglutinée au cul d'un camion qui venait d'arriver. Une fois la porte arrière ouverte, ce fut une incroyable ruée. Un couple mit la main sur un sous-verre et demanda prestement son prix. «50 FF !», cria l'assistant du marchand qui s'éloigna, laissant la femme avec le sous-verre dans les mains. Elle trépigna d'impatience puis alla voir son patron qui, constatant qu'elle tenait en fait un Modigliani annonça : «50 000 FF !». Elle protesta et apostropha le marchand en lui précisant que son acolyte lui avait demandé 50 FF. Le brocanteur l'envoya alors balader, ce qui la rendit furieuse et leur altercation provoqua alors une véritable émeute entre les personnes qui vinrent soutenir la chineuse et celles qui décidèrent de prendre le parti du marchand. Dans la bagarre, ce dernier tenta d'arracher le sous-verre des mains de la femme mais la vitre se cassa et les doigts de la chineuse furent profondément entaillés tandis que son compagnon se frotta violemment à son agresseur. Finalement, elle eut gain de cause et repartit avec sa précieuse acquisition. Quelques minutes plus tard, accoudée au comptoir d'un café, les mains toujours ensanglantées, elle contempla son trésor puis constata à la lumière des néons qu'il ne s'agissait que d'une vulgaire reproduction. Ce genre d'accrochage entre chineurs n'est pas rare surtout lorsque la soif de faire un coup et l'appât du gain s'en mêlent. Un jour de 1989 aux Puces de Saint-Ouen, deux marchands en vinrent ainsi aux mains pour une série de 70 tableaux en grisaille du peintre Myrbach représentant des scènes de la Révolution et de l'Empire. L'un avait fait une offre au vendeur et l'autre s'était interposé en proposant à ce dernier une somme plus conséquente, ce qui ne se fait pas tant qu'un chineur garde la main sur un objet qu'il désire acheter. En l'occurrence, le premier tenait encore un des tableaux lorsqu'il avait fait son offre et voyant son rival du moment intervenir, il avait foncé droit sur lui afin d'en découdre. La lutte avait été brève mais violente avec pour résultat une paire de lunettes cassée pour celui qui avait osé se mêler à la négociation sans y être invité. Il y a donc des codes à respecter et y déroger c'est s'exposer à ce qui peut être une douloureuse mise au "poing"…
Les collectionneurs qui se sont rendus en masse à Bâle ont eu le même comportement que ces chineurs qui ont assiégé le stand de Paul Bert en se ruant dans les allées pour arracher ce qu'ils considèraient comme les meilleures pièces offertes sur le marché de l'art. Un raz de marée synonyme de succès pour les vendeurs. On ne fait pas mieux ailleurs, à croire que les amateurs vénèrent tous ce merveilleux «trou de Bâle», devenu le centre du monde de l'art moderne et contemporain.
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