Le 9 juin, en passant par le marché Jules Vallès à 7 heures tapantes, je m'étais étonné de voir fermé le rideau de fer de l'imposant Patrick P. Surnommé «Le Roi de la Banane» par les chineurs tellement il avait vendu de tableaux bidouillés durant ces dernières années, le gros Patrick était plutôt du genre à marquer une présence constante les jours d'ouverture de Jules Vallès et le fait de ne pas le voir ce vendredi matin me fit brutalement penser qu'il était mort.
Mercredi 14 juin, un marchand m'appelle à 18 heures sur mon portable, non pas pour me demander mon avis sur une pièce qu'il désirerait acquérir mais pour m'annoncer que «le Roi de la banane» est mort foudroyé par une rupture d'anévrisme.
Je suis resté pétrifié quelques secondes, le portable collé à l'oreille. Mort ? Comment avais-je pu avoir cette folle prémonition ?
Je n'ai pu m'empêcher de répondre : «Je m'en doutais…» tout en demandant à mon interlocuteur quand le pauvre bougre était décédé.
Et celui-ci de m'apprendre qu'il s'était effondré net sous sa douche huit jours plus tôt.
Ainsi, le néanmoins sympathique et débonnaire «Roi de la Banane» qui fumait quatre paquets de cigarettes par jour s'est retrouvé épluché d'un coup comme je l'avais pressenti mais j'avouerai très honnêtement qu'il ne fallait pas être devin pour imaginer qu'il ne ferait pas de vieux os. N'empêche, il y a de quoi être surpris d'apprendre qu'un homme qu'on a l'habitude de croiser chaque week-end puisse soudainement passer l'arme à gauche à 45 ans.
Ancien garçon de café au «Paul Bert», Patrick P., dont le ventre rappelait étrangement la forme d'un tonneau de la cuvée annuelle des Hospices de Beaune, s'était reconverti dans la brocante sans trop de mal en jouant le plus souvent à celui qui ne savait pas ce qu'il vendait, ce qui lui donna l'occasion de blouser une flopée de chineurs en quelques années.
Mieux même, il feignait de ne savoir ni lire ni écrire, ce qui déroutait ses clients.