La direction des Musées nationaux demanda néanmoins à cette occasion à se voir confier en garde les oeuvres les plus importantes et ce, dans l'attente d'une réclamation encore possible. Suite à l'application du décret du 30 septembre suivant, environ deux mille oeuvres et objets furent préservés de la vente mais 13 000 autres partirent à l'encan.
Le 30 septembre 1949, un décret mit fin à l'activité de la Commission de récupération artistique à partir du 31 décembre 1949 et confia à l'Office de biens et intérêts privés la gestion des dossiers en cours ou futurs. Le décret prévoyait la constitution d'une commission censée procéder à un choix parmi les oeuvres non restituées à leur propriétaire. Les oeuvres choisies furent attribuées à la Direction des musées de France. Elles furent exposées dès leur entrée dans les musées nationaux ou de province, désignés pour leur dépôt, et inscrites dans un inventaire provisoire mis à la disposition des collectionneurs spoliés.
Un délai légal de revendication fut prévu, mais non fixé. Il n'empêche, les autorités ne montrèrent pas vraiment de zèle à retrouver les collectionneurs, dont un certain nombre avait péri dans les camps nazis, ou leurs héritiers qui n'avaient pas récupéré leurs collections volées par les hommes de l'E.R.R.
Il n'en reste pas moins que les domaines se chargèrent de vendre des milliers d'œuvres d'art au début des années 1950, alors que les autorités compétentes avaient mollement pratiqué une politique de restitution aux ayants droit des personnes spoliées avant de laisser le dossier en souffrance durant près de cinquante ans. Des collectionneurs durent se charger eux-mêmes de mener des investigations pour récupérer leurs biens et ne parvinrent pas, ou oublièrent simplement, d'obtenir la restitution d'œuvres laissées en déshérence à la garde de certains musées.
Une exposition des deux mille oeuvres (dont mille peintures environ) et objets d'art récupérés et préservés de la vente par la commission de choix, eut lieu entre 1950 et 1954 au Musée national du château de Compiègne, afin de permettre à d'éventuels ayants droit de reconnaître leurs biens. Après cette exposition, ils furent conservés par les musées nationaux ou mis en dépôt dans des musées de province. Dans les inventaires provisoires, distincts des inventaires des collections nationales, ils furent indiqués par plusieurs cotes d'identification, mais leur ensemble fut communément dénommé «MNR» (Musées Nationaux Récupération).
Ce ne fut qu'à la fin des années 1980 que la question des «MNR» redevint d'actualité suite à diverses campagnes de presse ou d'initiatives prises par des organisations juives ainsi qu'avec la parution en 1995 du livre d'Hector Feliciano «Le Musée disparu» relatant l'histoire des pillages allemands en France.
La Direction des Musées de France marqua d'abord le pas mais fut obligée de publier la liste des 2000 œuvres restées en déshérence dont certaines ont fini par être rendues à leurs propriétaires légitimes.
Adrian Darmon
Chronologie établie pour la Réunion des Musées nationaux par Rita Cusimano à partir des ouvrages suivants :
Jean Cassou, "Le Pillage par les Allemands des oeuvres d'art et des bibliothèques appartenant à des Juifs en France", Éditions du Centre, Paris, 1947 Rose Valland, "Le Front de l'art", Librairie Plon, Paris, 1961 A. Kaspi, "Les Juifs pendant l'Occupation", Éditions du Seuil, Paris, 1991 Laurence Bertrand Dorléac, "L'Art de la défaite 1940-1944", Éditions du Seuil, Paris, 1993 Lynn H. Nicholas, "The Rape of Europe", Knopf, New York, 1994, (trad. française, "Le Pillage de l'Europe", Éditions du Seuil, Paris, 1995) Hector Feliciano, "Le Musée disparu", Éditions Austral, Paris, 1995 ainsi que des "Rapports de Rose Valland 1941-1944" conservés aux Archives des Musées nationaux Archives des Musées Nationaux, Archives du Ministère des Affaires étrangères
L'Armée américaine atteignit le 28 avril 1945 les dépôts de l'E.R.R. au château de Neuschwanstein. Malgré les transferts, mille trois cents tableaux des musées de Bavière et de nombreuses oeuvres saisies en France s'y trouvaient encore, ainsi que toutes les archives de l'E.R.R. D'autres oeuvres saisies par l'E.R.R. furent ensuite trouvées dans le monastère de Buxheim et dans les dépôts de Chiemsee.
En mai, l'armée américaine retrouva la collection de Goering à Berchtesgaden alors que l'Art Looting Investigation Unit de l'O.S.S. (Unité d'enquête sur les spoliations d'œuvres d'art) commença son activité en Allemagne, après avoir accompli des recherches préliminaires en France, en Angleterre et en Espagne. Les principaux nazis impliqués dans le domaine de l'art furent interrogés par les responsables du service. Le 4 mai, Rose Valland reçut de la 1ère Armée française un ordre de mission de durée illimitée en Allemagne.
Le 8 mai, les oeuvres destinées au musée de Linz furent retrouvées par l'armée américaine dans les mines autrichiennes d'Alt Aussee tandis que le 20 mi, un ordre du S.H.A.E.F. établissait la création en Allemagne de dépôts collecteurs, où furent rassemblées les oeuvres d'art repérées par l'armée. Le principal "collecting point" fut installé à Munich.
A la fin du mois de mai 1945, eut lieu à Londres une rencontre entre John Nicolas Brown, conseiller culturel d'Eisenhower, le colonel Newton, représentant de la commission Roberts, et Edwin Pauley, représentant spécial de Truman. Ce dernier exposa l'intention de la présidence des Etats-Unis d'utiliser les œuvres d'art de propriété allemande comme base pour les réparations de guerre. Néanmoins, le 11 juin, à la Conférence des réparations de Moscou, la position soutenue par les Britanniques en avril à Londres pesa sur la décision finale, qui établit que les oeuvres d'art allemandes ne seraient pas utilisées pour les réparations, les restitutions étant préalables.
Au cours d'une réunion privée à Postdam le 17 juillet, le général Lucius Clay, gouverneur militaire adjoint de l'Allemagne, exposa au secrétaire d'État américain Byrnes son projet pour les œuvres d'art retrouvées en Allemagne. Tandis que les œuvres saisies ou obtenues par les nazis dans les pays occupés devaient être rendues, celles qui appartenaient à l'Allemagne et se trouvaient en zone américaine pourraient être emportées aux Etats-Unis, où elles seraient "gardées en tutelle pour être rendues à la nation allemande quand elle aurait regagné le droit d'être considérée comme une nation". Le plan, soutenu par le président Truman, provoqua en Amérique de vives controverses entre ses partisans et ceux qui, suite à la position plusieurs fois exprimée par les hautes sphères du gouvernement sur les réparations de guerre, craignaient une appropriation pseudo-légale de ces œuvres. Néanmoins, à la fin de l'année, deux cents œuvres provenant du Kaiser Friedrich Museum de Berlin, déposées au collecting point de Wiesbaden, partirent pour les Etats-Unis (Le départ du cargo de Nantes ?).
Elles revinrent en Allemagne après une exposition itinérante, par lots successifs, dont le dernier partit en avril 1949.
Ce ne fut qu'en septembre qu'un ordre d'arrestation fut délivré contre Martin Fabiani, marchand d'art fortement impliqué dans des trafics illégaux en France et notamment dans l'exportation d'une partie de l'ancienne collection Ambroise Vollard. Fabiani fut condamné à une amende de cent quarante-six millions de francs mais d'autres marchands qui avaient collaboré avec les nazis ne furent pas vraiment inquiétés.
La restitution officielle de L'Agneau mystique des frères Van Eyck à la Belgique eut lieu le 3 septembre 1945. Il s'agissait de la première restitution d'une oeuvre d'origine reconnue au pays concerné. Le 15 septembre, le quartier général américain lança officiellement le plan de restitution "en bloc" d'œuvres d'art de provenance reconnue demandant le retour immédiat à Paris de cinquante chefs-d'œuvre d'origine française.
En vue de récupérer le plus d'œuvres volées par les nazis, une ordonnance du 15 novembre dans la zone d'occupation française en Allemagne, imposa aux citoyens allemands de déclarer les biens en leur possession qui auraient été enlevés des territoires occupés par la Wehrmacht. Des dispositions analogues furent adoptées dans les autres zones d'occupation.
La première audience des procès de Nuremberg eut lieu le 20 novembre tandis que quelques jours plus tard deux représentants de l'O.S.S.furent dépêchés en Suisse pour poursuivre les enquêtes sur le marché noir de l'art pendant la période nazie.
Les caisses d'œuvres d'art saisies par l'E.R.R. en France et retrouvées à Neuschwanstein rentrèrent directement le 2 décembre 1945 à Paris dans leur emballage d'origine, sans passer par un "collecting point".
Le 10 décembre, le gouvernement suisse définit une loi sur les procédures de restitution des biens sortis des territoires occupés par les Allemands, dont l'application fut difficile. Le 12 décembre, intervint un accord quadripartite du Comité de coordination du Conseil de Contrôle allié en Allemagne au sujet d'une procédure de livraison provisoire de biens culturels au titre des restitutions.
En France, plus de quarante-cinq mille oeuvres et objets d'art restitués à la Commission de récupération artistique, après les saisies nazies, fient l'objet d'une restitution à leurs propriétaires légitimes ou à leurs ayants droit entre 1945 et 1949.
A la fin de cette période, la direction des Domaines fut chargée de vendre les quelques quinze mille objets et oeuvres qui n'avaient pas encore été réclamés. Cette initiative fut pour le moins contestable du fait que de nombreux propriétaires d'œuvres volées n'avaient pas encore été identifiés et que la tâche de la Commission était loin d'être terminée.
La direction des Musées nationaux demanda néanmoins à cette occasion à se voir confier en garde les oeuvres les plus importantes et ce, dans l'attente d'une réclamation encore possible. Suite à l'application du décret du 30 septembre suivant, environ deux mille oeuvres et objets furent préservés de la vente mais 13 000 autres partirent à l'encan.
Le 30 septembre 1949, un décret mit fin à l'activité de la Commission de récupération artistique à partir du 31 décembre 1949 et confia à l'Office de biens et intérêts privés la gestion des dossiers en cours ou futurs. Le décret prévoyait la constitution d'une commission censée procéder à un choix parmi les oeuvres non restituées à leur propriétaire. Les oeuvres choisies furent attribuées à la Direction des musées de France. Elles furent exposées dès leur entrée dans les musées nationaux ou de province, désignés pour leur dépôt, et inscrites dans un inventaire provisoire mis à la disposition des collectionneurs spoliés.
Un délai légal de revendication fut prévu, mais non fixé. Il n'empêche, les autorités ne montrèrent pas vraiment de zèle à retrouver les collectionneurs, dont un certain nombre avait péri dans les camps nazis, ou leurs héritiers qui n'avaient pas récupéré leurs collections volées par les hommes de l'E.R.R.
Il n'en reste pas moins que les domaines se chargèrent de vendre des milliers d'œuvres d'art au début des années 1950, alors que les autorités compétentes avaient mollement pratiqué une politique de restitution aux ayants droit des personnes spoliées avant de laisser le dossier en souffrance durant près de cinquante ans. Des collectionneurs durent se charger eux-mêmes de mener des investigations pour récupérer leurs biens et ne parvinrent pas, ou oublièrent simplement, d'obtenir la restitution d'œuvres laissées en déshérence à la garde de certains musées.
Une exposition des deux mille oeuvres (dont mille peintures environ) et objets d'art récupérés et préservés de la vente par la commission de choix, eut lieu entre 1950 et 1954 au Musée national du château de Compiègne, afin de permettre à d'éventuels ayants droit de reconnaître leurs biens. Après cette exposition, ils furent conservés par les musées nationaux ou mis en dépôt dans des musées de province. Dans les inventaires provisoires, distincts des inventaires des collections nationales, ils furent indiqués par plusieurs cotes d'identification, mais leur ensemble fut communément dénommé «MNR» (Musées Nationaux Récupération).
Ce ne fut qu'à la fin des années 1980 que la question des «MNR» redevint d'actualité suite à diverses campagnes de presse ou d'initiatives prises par des organisations juives ainsi qu'avec la parution en 1995 du livre d'Hector Feliciano «Le Musée disparu» relatant l'histoire des pillages allemands en France.
La Direction des Musées de France marqua d'abord le pas mais fut obligée de publier la liste des 2000 œuvres restées en déshérence dont certaines ont fini par être rendues à leurs propriétaires légitimes.
Adrian Darmon
Chronologie établie pour la Réunion des Musées nationaux par Rita Cusimano à partir des ouvrages suivants :
Jean Cassou, "Le Pillage par les Allemands des oeuvres d'art et des bibliothèques appartenant à des Juifs en France", Éditions du Centre, Paris, 1947 Rose Valland, "Le Front de l'art", Librairie Plon, Paris, 1961 A. Kaspi, "Les Juifs pendant l'Occupation", Éditions du Seuil, Paris, 1991 Laurence Bertrand Dorléac, "L'Art de la défaite 1940-1944", Éditions du Seuil, Paris, 1993 Lynn H. Nicholas, "The Rape of Europe", Knopf, New York, 1994, (trad. française, "Le Pillage de l'Europe", Éditions du Seuil, Paris, 1995) Hector Feliciano, "Le Musée disparu", Éditions Austral, Paris, 1995 ainsi que des "Rapports de Rose Valland 1941-1944" conservés aux Archives des Musées nationaux Archives des Musées Nationaux, Archives du Ministère des Affaires étrangères