L'ouverture en 1946 du coffre en déshérence qui avait été loué avant la guerre à la Société Générale par Eric Chlomovitch, un juif yougoslave ami d'Ambroise Vollard, avait permis la découverte d'une partie de la succession du célèbre collectionneur et marchand. Ambroise Vollard, marchand des Impressionnistes, ami de Matisse, de Picasso et d'autres grands noms de la peinture moderne, avait donné au jeune étudiant yougoslave quelque deux cents oeuvres d'art, parmi lesquelles un portrait de Zola peint par Cézanne en 1861, un Matisse de 1903, des fusains de Renoir, des eaux fortes de Degas et un tableau de Derain de 1905.
Chlomovitch était devenu l'ami de Vollard peu avant l'accident de voiture qui devait coûter la vie au collectionneur en juillet 1939.
A la déclaration de la guerre, le jeune étudiant avait regagné la Yougoslavie pour faire la promotion de la peinture française dans son pays. Il avait ainsi fait transiter 429 pièces sur plus de 600 rassemblées par Vollard qui constituérent plus tard l'un des fonds les plus importants du Musée national de Belgrade.
Le reste fut entreposé dans un coffre de la Société Générale mais après l'invasion de la Yougoslavie par la Wehrmacht en avril 1941, la chasse aux Juifs commença dans le pays. Bernard Chlomovitch fut gazé par les nazis dans son propre véhicule tandis que ses deux fils, Erich et Egon, périrent dans le camp de Sajmiste en mai 1942 avec des milliers d'autres coreligionnaires. Seule la mère d'Erich, Rosa, née Herzler, échappa à la mort.
En octobre 1946, la Société Générale constata que les frais de garde du coffre n'avaient pas été réglés et le fit ouvrir devant huissier. Au bout du délai légal de trente ans, la banque fit vider en février 1977 la caisse qui avait été contenue dans le coffre afin de récupérer des frais d'un montant d'environ 30 000 FF.
A la suite d'un inventaire réalisé en 1979, la banque décida de mettre en vente la collection mais cette décision fit se manifester les ayants-droit, parents d'Erich Chlomovitch, dont les avocats firent valoir que la Société Générale n'avait rien fait pour retrouver le propriétaire du coffre ou ses héritiers. Ils s'étonnérent également que la banque ait choisi de vendre la collection dans sa totalité alors que le montant de la location était négligeable.
La vente Chlomovitch, qui avait rapporté 3 382 950 FF, fut annulée en 1981 et plusieurs tribunaux furent saisis tour à tour pour décider de la propriété finale de la collection. Les héritiers d'Eric Chlomovitch obtinrent d'abord gain de cause avant d'être déboutés en 1993. Trois ans plus tard, la cour d'Appel d'Amiens désigna un héritier lointain de Vollard comme légataire de l'essentiel de la collection trouvée dans le coffre de la Société Générale alors que les héritiers de Chlomovitch ne se virent attribuer que des pièces qui lui avaient été dédicacées par Vollard. Ce jugement a toujours paru étrange puisque personne ne pourrait contester le fait qu'il fut le dernier possesseur de cette collection.
Par ailleurs, les banques françaises tentent à présent de retrouver les avoirs juifs en déshérence depuis Vichy suite à la demande de la Mission sur la spoliation présidée par Jean Mattéoli.
Plusieurs historiens et juristes ont été chargés d'explorer les archives des banques mais leur tâche s'avère compliquée du fait que de nombreux documents ont été détruits depuis ces cinquante dernières années.
Quelque 68 000 comptes bancaires furent gelés par le régime de Vichy durant la Seconde Guerre Mondiale et seulement 70% des détenteurs ou leurs héritiers se firent connaître après la guerre.
Jusqu'à présent, les banques ont plutôt trainé les pieds pour retrouver les autres détenteurs de plusieurs centaines de comptes surtout que de nombreuses archives ont disparu sous le pilon ou dans le mystérieux incendie d'un entrepôt du Havre il y a quelques années.
Par ailleurs, les banques envisagent la création d'un fonds pour les victimes de l'Holocauste qui conduirait à une solution d'un problème qui devient épineux suite aux actions menées par le Congrès Juif Mondiale et d'autres organisations juives contre des institutions bancaires européennes qui avaient bloqué les avoirs juifs dont elles avaient la garde durant la guerre.