La Compagnie des commissaires-priseurs parisiens a demandé à l'étude Poulain-Le Fur de renoncer à diriger des ventes prévues durant le mois de juin 2001 dans les locaux de Sotheby's à la Galerie Charpentier. Celle-ci affirme que les deux commissaires-priseurs ne peuvent exercer en ce lieu faute d'autorisation de sa part. Elle base son argument sur un jugement du mois d'août 1853 qui força les commissaires-priseurs à officier exclusivement dans les locaux du nouvel hôtel des ventes construit rue Drouot l'année précédente.
Depuis cette époque, tout commissaire-priseur qui désirait tenir le marteau dans une salle autre qu'à Drouot se devait d'en faire la demande à la Compagnie laquelle gagna notamment un procès contre Mes Loudmer et Poulain lorsque ceux-ci ouvrirent leur propre lieu de vente au faubourg Saint Honoré en 1979.
Toutefois, la loi réformant la réglementation des ventes publiques, adoptée le 10 juillet 2000, permet de déroger à l'obligation de diriger des ventes à Drouot. La Compagnie se retranche néanmoins derrière le fait que les décrets d'application de cette loi n'ont pas encore été publiés. Apparemment, la Compagnie a adopté une attitude allant à l'encontre de la nouvelle loi qui veut que les commissaires-priseurs soient libres d'organiser des ventes là où ils le désirent. D'ailleurs, les officiers ministériels de province ne se privent plus de venir diriger des ventes à Paris.
En fait, la Compagnie estime probablement que les commissaires-priseurs Poulain et Le Fur agissent pour le compte de Sotheby's avant même que la réforme des ventes publiques en France ne soit entrée en vigueur. Ce serait donc à ses yeux une manière déguisée pour la maison anglo-saxonne de sauter le pas avant ses rivales dans la capitale. Le groupe Poulain- Le Fur envisage d'ailleurs d'organiser une vente de rares éditions originales de Corneille, Molière, Racine ou Perrault de la collection Hayoit les 28 et 29 juin à la Galerie Charpentier.
Ce serait là l'occasion pour Sotheby's de réaliser un joli coup avec cette collection d'ouvrages rares réunis par Charles Hayoit, un bibliophile belge qui collectionna entre 1915 et 1981 des éditions originales des auteurs classiques français. Mort en 1984, ce collectionneur était resté inconnu des salles de ventes et des libraires car il achetait ses livres dans une totale discrétion. Pour Sotheby's, cette vente constitue un «coup de tonnerre fantastique dans le monde français des éditions originales» et devrait rapporter plus de 22 millions FF. Le reste de la collection Hayoit, évaluée au total à 55 millions FF, doit en principe être vendue en octobre.
A noter dans cette collection une édition originale des «Précieuses Ridicules» de Molière (1660), estimée entre 600 000 et 900 000 FF malgré une reliure du XIXe siècle, dont quatre exemplaires ont été seulement vendus au cours du XXe siècle.
Autre pièce-phare, l'édition originale de «L'Ecole des Femmes» (1663), l'exemplaire de Sacha Guitry et l'un des onze avec les corrections manuscrites à l'encre longtemps attribuées à Molière lui-même, qui devrait dépasser la barre des 200 000 FF. De son côté, l'édition originale du «Tartuffe ou l'Imposteur» dans une reliure en veau de l'époque (1669) est estimée entre 300 000 et 500 000 FF.
Autre vedette de cette vente, une rare édition originale des «Histoires ou Contes» de Charles Perrault (1697), dont la BnF n'a qu'un ouvrage incomplet et qui est estimée entre 800 000 et 1,2 million FF.