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Peindre des acrobates ou des ouvriers, c'était plutôt Léger…
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IXème Chapitre
UN GUIDE MICHELIN POUR LES RESTAURATEURS ?
01 Mai 2001 |
Jeudi 31 mai, je lis dans «Le Monde» qu'une restauratrice de tableaux de Johannesburg s'est amusée à remettre à neuf un tableau de Van Ostade en y ajoutant des éléments de notre époque, notamment un pot typiquement sud-africain, qui a trouvé sa place sur l'entablement d'une cheminée. Son intervention très fantaisiste lui a notamment valu d'être condamnée par un tribunal à indemniser le propriétaire de cette œuvre maintenant défigurée. Cette histoire démontre qu'il est primordial de savoir à quel genre de spécialiste on a affaire lorsqu'il s'agit de restaurer un tableau. Une longue enquête dans le milieu des restaurateurs m'a d'ailleurs permis de constater que les bons praticiens sont malheureusement rares.
Résultat : les massacres commis en matière de restauration ont été légion et parfois irrémédiables au fil du XXe siècle. Pour l'anecdote, on peut retenir le cas du marchand Duveen qui, avec la complicité de l'expert Bernard Berenson, n'hésitait pas à ordonner des liftings avantageux pour embellir des portraits du XVIe siècle afin de pouvoir les vendre au meilleur prix à des amateurs américains peu avertis. Adieu les bosses sur les nez, les poches sous les yeux et les double mentons, bonjour la supercherie ! Il serait peut-être utile de publier une sorte de guide Michelin des restaurateurs de tableaux avec des notes pour chacun pour éviter aux amateurs certaines déconvenues surtout que la restauration est en elle-même un art qui n'a rien à voir avec celui du déguisement. Vendredi 1er juin, j'entends des marchands de Saint-Ouen dire que le marché aux Puces est pratiquement mort, tué par le manque de bonne camelote et par sa mauvaise réputation provoquée par un nombre incalculable d'agressions commises contre des visiteurs durant cette dernière décennie. Ils semblent avoir plus que raison car ce matin, il n'y a encore rien d'exceptionnel à l'horizon alors que les seules pièces valables vues dans quelques stands sont proposées à des prix propres à défriser un mouton. Là aussi, il y a de quoi se faire des cheveux… Samedi 2 juin, déjeuner à Saint Ouen avec Chester Fielx, revenu tout bronzé d'un séjour de deux semaines sur la Côte d'Azur au cours duquel il s'est offert un détour au Grand Prix de Monaco. Depuis la vente mirifique de son Corot et l'authentification de son Lovis Corinth, estimé dans les 800 000 FF, le Luxembourgeois se prend carrément pour une grosse cylindrée du marché, ce qu'il n'est pas encore vu qu'il faut disposer d'un gros paquet d'argent pour faire la nique aux grands marchands à Drouot. N'empêche, il mérite bien son titre de prince des chineurs car rares sont ceux qui ont fait mieux que lui au niveau des découvertes. Dimanche 3 juin, petit détour à la foire à la brocante de Boulogne où des meutes de chineurs se ruent sur des stands dès qu'un carton est déballé par un exposant. On croirait voir des mouches virevolter autour d'un tas de fumier car en fait, il n'y a que de la drouille à perte de vue. Bousculée, une femme s'écrie que ces gens sont vraiment mal élevés alors qu'un de ses voisins se fait subtiliser par un malotru une aquarelle sur laquelle il lorgnait en attendant patiemment que la personne placée devant lui ait fini de régler son achat. Le manque de bonne marchandise rend l'atmosphère électrique dans les foires et dans ce contexte, certains chineurs n'hésitent pas à se comporter comme de véritables voyous dès qu'un objet intéressant apparaît sur un étal. Il y a de quoi être dégoûté mais je constate d'un autre côté que le monde ressemble de plus en plus à l'idée qu'on se fait de l'enfer puisque l'horreur rythme sans cesse son quotidien. La veille, j'ai regardé le journal télévisé et éprouvé une terrible sensation d'angoisse. Attentat à Tel Aviv, 18 morts et nouvelles menaces des kamikazes du Djihad islamique. Assassinat du roi du Népal et de sa famille par son propre fils qui s'est ensuite suicidé. Manifestations violentes en Guadeloupe. Fort Chabrol dans une maison isolée de l'Idaho.
Prise d'otages aux Philippines. Viol collectif dans un train. Bref, tout un lot de nouvelles morbides à souhait et pas un seul rayon de soleil au tableau hormis quelques victoires françaises aux Internationaux de Tennis de Roland-Garros où les balles ne tuent heureusement personne. Même les prévisions météo, annoncées après le journal, sont moroses. Déprimant… Lundi 4 juin, annonce de la mort à 86 ans de l'acteur Anthony Quinn, surnommé le roi des machos après avoir épousé une demi-douzaine de femmes et eu 13 enfants, dont six hors mariage. Ce monstre sacré, qui se fit connaître pour son rôle dans «Viva Zapatta» en 1952 avant d'être consacré avec les films «La Strada», «Zorba le Grec» ou «Lawrence d'Arabie», était devenu un grand amateur d'art tout en ayant choisi la peinture et la sculpture comme violon d'Ingres. Il était somme toute naturel que cet homme hors du commun, qui interpréta notamment Gauguin dans «La Vie de Vincent Van Gogh», fût un esthète puisqu'il aimait déjà les femmes avec une frénésie sans pareille.
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