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Un expert, c'est quelqu'un qui se trompe selon les règles (Paul Valéry)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XXXIVème Chapitre
PROJET D'INTEGRATION DES OBJETS D'ART DANS L'ISF, BONJOUR LES DEGÂTS
01 Juin 2011 |
Mercredi 1er juin, coup de massue en vue pour les professionnels du marché de l'art après l'adoption d'un amendement par plusieurs députés de la majorité élargissant l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) aux oeuvres d'art jusqu'ici exemptes de cette taxe.
Autant dire que si cet amendement était adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat, le marché parisien connaîtrait un marasme sans précédent juste au moment où il venait de reprendre vigueur car les grands collectionneurs seraient alors tenté de s'expatrier ou de dissimuler leurs collections aux yeux du fisc en allant les mettre à l'abri à l'étranger ou au port franc de Genève où ils vendraient des oeuvres en toute discrétion. De plus, cette disposition serait de nature à favoriser l'essor d'un marché noir nonobstant le fait qu'elle sera des plus compliquées à appliquer.
En effet, on se demande déjà sur quels critères le fisc pourrait-il se baser pour imposer des oeuvres appartenant à des collectionneurs qui seraient en leur possession depuis plus d'une quinzaine d'années sans compter que les valeurs de celles-ci ne peuvent être établies avec certitude que sous le feu des enchères. Faudrait-il alors envoyer des équipes d'appréciateurs chez chaque collectionneur ?
En outre, il ne faut pas oublier que nombre d'oeuvres ont été achetées par passion par leurs possesseurs quand bien même il est devenu patent que le marché a attiré de purs spéculateurs depuis une décennie. Ce serait alors pénaliser des amateurs qui ont placé l'essentiel de leurs économies dans l'art rien que par plaisir sans être vraiment riches pour autant.
Il convient tout de même de signaler que les prix des oeuvres sont fluctuants et que le marché de l'art ne génère pas de plus-values rapides même si sa croissance est exponentielle à travers le monde, où la France serait pratiquement le seul pays à les imposer dans le cadre de l'ISF.
Les députés qui ont signé cet amendement n'ont ainsi pas pris conscience du danger de couler le marché parisien du fait que les collectionneurs les plus riches n'auront pas attendu son application pour se soustraire sans trop de difficulté à l'ISF en laissant les amoureux de l'art trinquer à leur place. Ils ont aussi oublié de se rendre compte que le marché français qui a généré 673 millions d'euros de CA l'an dernier a sans cesse reculé face à la Chine, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en ne prenant au passage qu'un maigre pourcentage de 2,5% de parts du marché de l'art contemporain.
Ne se privant déjà pas d'encaisser une taxe de plus-value de 5% chaque fois qu'une oeuvre détenue depuis moins de 12 ans est vendue au-delà du seuil de 5000 euros, l'Etat serait confronté à un incroyable casse-tête s'il en venait à appliquer l'ISF sur les oeuvres d'art en pénalisant chaque année des collectionneurs qui seraient alors nombreux à se défaire de leurs oeuvres une fois pour toutes. Bonjour la sauvegarde du patrimoine !
Il y a à travers la planète quelque 300 millions d'amateurs, collectionneurs et professionnels contre à peine 500 000 après la Seconde Guerre Mondiale, ce qui démontre l'extraordinaire essor de l'industrie culturelle dont des députés à la vue basse signeraient l'arrêt de mort en France. Ceux-ci ont eu ainsi le tort de se focaliser sur les ventes de prestige et les records obtenus aux enchères pour croire qu'il serait aisé de taxer des plus-values réalisées par quelques centaines de spéculateurs en faisant abstraction du fait que les collectionneurs, les vrais, agissent essentiellement en faveur de la préservation du patrimoine culturel du pays.
Encore une fois, certains députés ignorant la spécificité du marché de l'art, ont donc remis l'intégration des oeuvres d'art dans l'ISF sur le tapis. Heureusement, les chances de voir cet amendement être adopté sont minimes mais il n'en reste pas moins que cette proposition contestable allant à l'encontre des intérêts du marché français aura causé un vif émoi parmi les professionnels et collectionneurs français, notamment ceux âgés en moyenne de 35 ans qui ont misé sur l'art contemporain.
Dans le même temps, l'Assemblée a entériné la Directive des Services visant notamment à la libéralisation des Ventes aux Enchères électroniques, une réforme qui gênera à coup sûr les activités classiques des maisons de vente si elles n'ont pas décidé d'étendre leurs activités à l'Internet.
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