Lundi 18 juin, faisant suite à un différend entre deux organisateurs de salons, j'apprends qu'un appel à la résistance contre les grands antiquaires qui font la loi à la Biennale et dans des manifestations de prestige a été lancé par certains marchands mécontents. Le CMO, dirigé par Caroline Margeridon, espérait obtenir une autorisation pour organiser le Salon des Tuileries mais en dernier ressort, c'est la SOC de Patrick Perrin, fils du grand antiquaire Jacques Perrin, qui l'a obtenue.
Caroline Margeridon a crié à la machination et intenté une action en justice en affirmant que les conditions qui ont conduit à l'autorisation d'organiser ce salon étaient vraiment troubles.
Le Salon des Tuileries n'a décidément pas été des plus calmes puisque à la veille de son inauguration, la commission d'expertise a fait retirer un secrétaire sous prétexte qu'il manquait une ornementation en bronze, ce qui a suscité la colère du marchand qui l'exposait lequel a dans la foulée remballé sa marchandise et claqué la porte du salon.
Ces deux affaires ont ainsi ravivé certaines rancœurs contre ceux qui contrôlent le marché de l'antiquité de prestige et entraîné des petits règlements de compte entre divers clans qui s'activent dans leur sillage.
Au train où vont les rumeurs, on finira peut-être par découvrir dans les toilettes de la Biennale des seringues ayant contenu de l'EPO ou apprendre qu'un des pontes du faubourg Saint-Honoré est un ancien trotskiste reconverti dans la vente de meubles pour gros capitalistes ou plus enquiquinant encore, un bénéficiaire des comptes secrets d'Elf. En attendant, ceux qui ont un esprit plus terre à terre se contentent de considérer ce genre de déballage comme une simple tempête dans un verre d'eau.
Mardi 19 juin, un chineur m'annonce que le Goya acheté à «Dédé de Montreuil» par un membre du Club des Rêveurs Anonymes de Drouot (CRAD) qui l'a ensuite présenté en vente le 17 juin n'a pas trouvé preneur malgré le fait que ce tableau était accompagné d'un certificat d'authenticité en bonne et due forme. Commentaire d'un habitué de Drouot au courant de cette découverte: «Cette toile était tellement moche que personne n'en aurait voulu». Autre explication: la salle de ventes où le Goya était proposé n'était pas vraiment l'endroit idéal pour le vendre. Je sais cependant de bonne source que certains professionnels ne se sont pas privés de faire croire qu'il s'agissait tout simplement d'un faux…
Vendredi 22 juin, pas de marchandise excitante au marché aux Puces de Saint-Ouen alors que j'entends dire qu'un gros brocanteur au passé déjà sulfureux a été braqué à son domicile par des hommes masqués qui l'ont délesté d'une certaine somme d'argent. Un marchand, connu pour être une sacrée mauvaise langue, déclare méchamment : «Un voleur volé, il y a quelque part une justice»….
En haut comme en bas de l'échelle, les jalousies sont monnaie courante dans le monde de l'art dont la tranquillité n'est vraiment que de façade d'autant plus que les petites affaires qui éclatent ici et là démontrent à l'évidence que ce domaine n'a rien à envier à ceux de la politique ou de l'économie.
Au marché Paul Bert, un marchand de la rue de Beaune s'offusque à propos de certaines estimations avancées par des experts et de me raconter que lors d'une vente organisée récemment par les Domaines quatre dessus de portes décorés avec des oiseaux avaient été présentés comme étant du XIXe siècle et estimés pour la modeste somme de 7000 FF.
«L'expert s'est moqué du monde car tous les marchands présents à la vente ont bien vu que ces dessus de portes étaient du XVIIIe siècle et bien entendu, les enchères se sont emballées pour finir à 160 000 FF au marteau», me dit le marchand d'un ton outré.
Les erreurs d'expertise ne sont malheureusement pas rares dans les ventes mais le tir est d'habitude corrigé par des marchands avisés dont le jugement vaut généralement celui d'un expert.