| | Citation |
| | |
|
Lorsque Vlaminck, Derain ou Matisse exposèrent leurs œuvres aux couleurs pures et violentes, les critiques crièrent « Fauve qui peut ! »…
|
|
|
|
Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
IXème Chapitre
UN GOYA REDECOUVERT…
01 Juin 2001 |
|
Décidément, «Dédé de Montreuil» est bien un chineur génial dont la science de la découverte est malheureusement contre-balancée par une stupidité sans pareille lorsqu'il s'agit de revendre ses trouvailles. Dire qu'il s'avère victime d'une incroyable malédiction semble un doux euphémisme puisque le 17 juin, une œuvre de Francisco Goya y Lucientes intitulée «Scène de Théâtre» mesurant 112,5 x 46,5 cm et estimée plusieurs centaines de milliers de francs, a été proposée dans une salle de vente de la banlieue Ouest de Paris, en fait le Goya que «Dédé» avait chiné dans une brocante pour 1200 FF avant de le revendre à un membre du Club des Rêveurs Anonymes de Drouot (CRAD) pour la modeste somme de 15 000 FF alors qu'une écriture ancienne mentionnant le nom du maître de la peinture espagnol figurait au dos de cette oeuvre, ce qui aurait pu au moins lui mettre la puce à l'oreille.
"Dédé", ce merveilleux découvreur qui n'arrive jamais à faire authentifier les trésors qu'il chine ça et là n'a jamais su tirer les leçons de ses multiples mésaventures, la dernière en date concernant la perte rocambolesque d'un tableau authentique du Douanier Rousseau pour lequel il n'a pu tirer le moindre sou. Encore une fois, «Dédé» a paniqué en se débarrassant de son Goya au profit d'un chineur membre du CRAD sans même prendre la peine de contacter personnellement l'expert en charge de l'œuvre de ce maître. De toute évidence, «Dédé» semble irrécupérable et voué, tel Prométhée, à être bouffé sans cesse par un vautour de l'univers de la chine, qu'à la longue, il n'inspire plus la pitié à force d'être dépouillé stupidement. Pour avoir défié le dieu de l'intelligence et de la logique, lui faudra-t-il attendre une trentaine d'années pour être délivré de son interminable supplice par un improbable Héraclès ? Pour beaucoup de chineurs et d'habitués de l'Hôtel Drouot, «Dédé» représente une énigme qui ne peut s'expliquer que par le seul fait qu'il souffre d'un complexe d'infériorité apparemment incurable qui l'empêche de prendre de bonnes initiatives chaque fois qu'il met la main sur un trésor. Résultat: paralysé par la crainte d'être considéré comme un va-nus-pieds par un expert, il s'en débarrasse au profit d'un quidam qui ne manquera d'essayer de le faire authentifier. En attendant, l'histoire de ce Goya a passablement rendu furieux son dernier détenteur, inquiet de savoir s'il parviendrait à le vendre correctement et d'apprendre au passage qu'elle était divulguée dans ce roman où sont dévoilés ça et là, et en tout bien tout honneur, les bons coups des chineurs ou des marchands. Le problème est qu'un de ses amis a commis la bourde d'en parler autour de lui de sorte que pas mal de gens, et moi seulement en dernier, ont été mis au courant des péripéties de sa découverte et de sa revente. Dans le milieu des chineurs, personne ne sait vraiment tenir sa langue, soit en ignorant les conséquences des révélations ainsi faites soit par jalousie et dans ce dernier cas, on ne se prive pas de jacter auprès d'autres pipelettes pour embarrasser son petit copain. Moralité: il ne faut absolument rien dire au sujet de ce qu'on a découvert alors qu'à propos de ce Goya, il convient quand même de saluer la sportivité de "Dédé" qui a dit qu'il avait laissé passer sa chance et qu'il n'en ferait pas tout un fromage.
|
|
Décidément, «Dédé de Montreuil» est bien un chineur génial dont la science de la découverte est malheureusement contre-balancée par une stupidité sans pareille lorsqu'il s'agit de revendre ses trouvailles. Dire qu'il s'avère victime d'une incroyable malédiction semble un doux euphémisme puisque le 17 juin, une œuvre de Francisco Goya y Lucientes intitulée «Scène de Théâtre» mesurant 112,5 x 46,5 cm et estimée plusieurs centaines de milliers de francs, a été proposée dans une salle de vente de la banlieue Ouest de Paris, en fait le Goya que «Dédé» avait chiné dans une brocante pour 1200 FF avant de le revendre à un membre du Club des Rêveurs Anonymes de Drouot (CRAD) pour la modeste somme de 15 000 FF alors qu'une écriture ancienne mentionnant le nom du maître de la peinture espagnol figurait au dos de cette oeuvre, ce qui aurait pu au moins lui mettre la puce à l'oreille.
"Dédé", ce merveilleux découvreur qui n'arrive jamais à faire authentifier les trésors qu'il chine ça et là n'a jamais su tirer les leçons de ses multiples mésaventures, la dernière en date concernant la perte rocambolesque d'un tableau authentique du Douanier Rousseau pour lequel il n'a pu tirer le moindre sou. Encore une fois, «Dédé» a paniqué en se débarrassant de son Goya au profit d'un chineur membre du CRAD sans même prendre la peine de contacter personnellement l'expert en charge de l'œuvre de ce maître. De toute évidence, «Dédé» semble irrécupérable et voué, tel Prométhée, à être bouffé sans cesse par un vautour de l'univers de la chine, qu'à la longue, il n'inspire plus la pitié à force d'être dépouillé stupidement. Pour avoir défié le dieu de l'intelligence et de la logique, lui faudra-t-il attendre une trentaine d'années pour être délivré de son interminable supplice par un improbable Héraclès ? Pour beaucoup de chineurs et d'habitués de l'Hôtel Drouot, «Dédé» représente une énigme qui ne peut s'expliquer que par le seul fait qu'il souffre d'un complexe d'infériorité apparemment incurable qui l'empêche de prendre de bonnes initiatives chaque fois qu'il met la main sur un trésor. Résultat: paralysé par la crainte d'être considéré comme un va-nus-pieds par un expert, il s'en débarrasse au profit d'un quidam qui ne manquera d'essayer de le faire authentifier. En attendant, l'histoire de ce Goya a passablement rendu furieux son dernier détenteur, inquiet de savoir s'il parviendrait à le vendre correctement et d'apprendre au passage qu'elle était divulguée dans ce roman où sont dévoilés ça et là, et en tout bien tout honneur, les bons coups des chineurs ou des marchands. Le problème est qu'un de ses amis a commis la bourde d'en parler autour de lui de sorte que pas mal de gens, et moi seulement en dernier, ont été mis au courant des péripéties de sa découverte et de sa revente. Dans le milieu des chineurs, personne ne sait vraiment tenir sa langue, soit en ignorant les conséquences des révélations ainsi faites soit par jalousie et dans ce dernier cas, on ne se prive pas de jacter auprès d'autres pipelettes pour embarrasser son petit copain. Moralité: il ne faut absolument rien dire au sujet de ce qu'on a découvert alors qu'à propos de ce Goya, il convient quand même de saluer la sportivité de "Dédé" qui a dit qu'il avait laissé passer sa chance et qu'il n'en ferait pas tout un fromage.
|
|