Mardi 12 juin, «Ben Claude» vient me rendre visite pour me montrer une œuvre de Picasso et une autre de Degas que sa copine ex-marchande désire vendre pour le compte de deux collectionneurs des fois que je connaîtrais un acheteur. Il me présente un pastel de la période bleue montrant un homme et une femme assis dans un café proposé à trois millions de dollars et un pastel de Degas représentant deux danseuses en buste, affiché à un million de dollars.
Ces prix me font tiquer mais l'occasion semble trop belle pour savoir si les œuvres en question ne tournent pas sur le marché depuis quelque temps. J'appelle donc «Colt», ce courtier qui est au courant de toutes les ventes qui se font en privé dans le monde lequel me répond aussitôt que le Picasso circule depuis plus de six ans parmi ses collègues et que personne n'en veut, pas même à un million de dollars.
Quant au pastel de Degas, cela fait 18 mois que sa propriétaire cherche en vain à s'en défaire parce qu'il est déjà plutôt moche. J'ai ainsi été fixé en deux minutes, ce qui m'a permis de répondre à «Ben Claude» que sa bonne amie peut aller se rhabiller puisqu'elle ne met la main que sur des œuvres grillées sur le marché.
- Tu vois, on ne s'improvise pas courtier du jour au lendemain et je me doutais bien que ta Madame Machin n'avait pas le calibre désiré pour venir se frotter aux ténors du marché.
«Ben Claude» hoche la tête d'un air dépité. Ce n'est pas demain la veille qu'il touchera une grosse commission sur une œuvre qui vaudra la peine d'être négociée à un bon prix et je lui conseille plutôt de ne pas renoncer à chiner de son côté pour avoir à nouveau la chance de dégotter un autre Monet.