Dimanche 11 juin, Chester Fielx m'apprend que «Doc Mich» a réalisé un superbe coup en faisant une adresse près de Rouen d'où il a sorti des tableaux de l'école de Rouen ainsi qu'une toile fauve signée «Braque» et datée 1906… Il restera cependant à notre découvreur à faire authentifier son Braque, ce qui n'est pas une mince affaire car le comité en charge de l'œuvre de ce maître du XXe siècle est des plus retors lorsqu'il s'agit de fournir des certificats. Bref, pour se remplir les poches de plusieurs briques grâce à ce fabuleux Braque (sic), le broc du marché Jules Vallès devra batailler ferme pour amener ce comité à délivrer une opinion favorable. Ce n'est pas tout d'avoir du flair…
L'après-midi, je croise le peintre Mikhaïl Chemiakine qui me révèle qu'il envisage de vendre sa propriété de New York pour venir s'installer en France. La joue droite barrée par une large balafre, botté et vêtu de noir avec une décoration russe au revers de sa veste, la tête recouverte d'une casquette sombre, il a plutôt l'allure altière et inquiétante d'un officier prussien de la fin du XIXe siècle.
A la question de savoir pourquoi il désire s'installer en France, il me répond que l'économie du pays semble florissante et que Paris est plus près de Moscou, où il compte faire de fréquents séjours.
«Economie florissante ? Vous voulez rire j'espère…», lui dis-je d'un ton ironique.
- Eh bien, c'est ce que disent les journaux…
- Et vous croyez vraiment ce que dit la presse ?
Ma répartie semble l'étonner mais, économie florissante ou pas, il n'aura guère de soucis d'argent où qu'il s'installera vu qu'il a fait fortune depuis plus d'une dizaine d'années.
Au moment où nous allons nous séparer, j'en profite pour lui demander s'il voudra bien peindre mon portrait une fois installé à Paris.
«Pourquoi pas ?», me répond-t-il en tournant les talons pour rejoindre la limousine qui l'attend.