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Boucher était un peintre délicat. Il ne peignit jamais au couteau... (AD)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
VIème Chapitre
UN NOUVEAU POUSSIN DANS LA BASSE-COUR DU LOUVRE
01 Février 2001 |
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Tout en prenant mon café avant de partir faire un tour au marché aux Puces de Saint-Ouen, je lis avec surprise sous la plume de Nicole Duault dans le Journal du Dimanche que l'expert Eric Turquin a déniché en 1998 dans une brocante à Marseille un tableau de Poussin, perdu depuis le XVIIIe siècle et devenu à présent la quarantième œuvre de ce maître exposée au Louvre. J'éprouve énormément de respect pour l'expert parisien, ce puits de savoir qui, du haut de sa petite taille, dépasse souvent d'une tête ses confrères lorsqu'il s'agit d'authentifier des œuvres qu'on pensait à jamais disparues, mais me demande s'il est vraiment le tout premier découvreur de ce tableau représentant Sainte Françoise romaine pour la simple raison qu'on ne l'a jamais vu traîner dans des brocantes sans intérêt. Turquin est en fait plutôt du genre à fréquenter les salles de vente ou des manifestations comme la Biennale mais certainement pas ces petites foires qui pullulent à travers le pays. J'aurais plutôt tendance à croire en que c'est un chineur qui a ramassé ce tableau qui ressemblait au départ à une croûte et qui l'a apporté ensuite à l'expert lequel a appelé à la rescousse Pierre Rosenberg, directeur du Louvre et spécialiste de Poussin pour examiner cette œuvre chargée de poussière. D'après le journal, le Louvre aurait ensuite acquis ce tableau pour la modique somme de 460 000 FF, soit cent fois moins que son prix réel sur le marché, grâce à l'aide des Amis du musée, le Fonds du Patrimoine et un mécène japonais. Il est d'ailleurs impossible de croire que ce tableau si important ait pu être vendu si peu cher et je pense qu'il y a plutôt une belle coquille dans le journal... La «Sainte Françoise Romaine» n'a eu besoin que d'un simple nettoyage pour laisser éclater sa splendeur et devenir ainsi une nouvelle star du musée. Elle avait été commandée à Poussin en 1658 par le cardinal Rospigliosi, qui devint plus tard pape sous le nom de Clément IX, pour glorifier Sainte Françoise, censée avoir repoussé la peste qui se propagea à Rome durant l'hiver de 1656-1657. Ce tableau resta dans la famille du cardinal devenu pape jusqu'en 1798, date à laquelle les Rospigliosi furent contraints de vendre une bonne partie de leurs biens pour acquitter de lourdes taxes imposées par les occupants français. Nicole Duault rappelle que cette «Sainte Françoise» fut achetée par Alexis le Go, secrétaire de l'Académie de France, qui se retira plus tard en Provence, et qu'on oublia la toile jusqu'à sa réapparition miraculeuse dans cette brocante de Marseille. Il s'agit là d'une belle histoire quoique, si mon raisonnement s'avère être le bon, on a vraisemblablement omis de rendre hommage à ce chineur anonyme qui a redonné vie à ce beau Poussin en allant contacter l'expert car il semble vraiment saugrenu que ce dernier ait pu consacrer un week-end à aller chiner par hasard dans une petite brocante à l'autre bout de la France. Dimanche soir, je consulte ma boîte e-mail et trouve un message d'un visiteur d'artcult.com qui me signale qu'en décembre dernier une étude adjugeait à Drouot une vierge en bois naturel sculpté pour 4500 francs. Cette sculpture est présentée à nouveau dans un catalogue d'une vente prévue le 14 février mais cette fois-ci, O miracle !, elle a meilleure mine puisqu'elle devenue polychrome avec une estimation de 35 000 francs. Apparemment, la Vierge en question a dû faire un détour par Lourdes pour subir un divin lifting…
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Tout en prenant mon café avant de partir faire un tour au marché aux Puces de Saint-Ouen, je lis avec surprise sous la plume de Nicole Duault dans le Journal du Dimanche que l'expert Eric Turquin a déniché en 1998 dans une brocante à Marseille un tableau de Poussin, perdu depuis le XVIIIe siècle et devenu à présent la quarantième œuvre de ce maître exposée au Louvre. J'éprouve énormément de respect pour l'expert parisien, ce puits de savoir qui, du haut de sa petite taille, dépasse souvent d'une tête ses confrères lorsqu'il s'agit d'authentifier des œuvres qu'on pensait à jamais disparues, mais me demande s'il est vraiment le tout premier découvreur de ce tableau représentant Sainte Françoise romaine pour la simple raison qu'on ne l'a jamais vu traîner dans des brocantes sans intérêt. Turquin est en fait plutôt du genre à fréquenter les salles de vente ou des manifestations comme la Biennale mais certainement pas ces petites foires qui pullulent à travers le pays. J'aurais plutôt tendance à croire en que c'est un chineur qui a ramassé ce tableau qui ressemblait au départ à une croûte et qui l'a apporté ensuite à l'expert lequel a appelé à la rescousse Pierre Rosenberg, directeur du Louvre et spécialiste de Poussin pour examiner cette œuvre chargée de poussière. D'après le journal, le Louvre aurait ensuite acquis ce tableau pour la modique somme de 460 000 FF, soit cent fois moins que son prix réel sur le marché, grâce à l'aide des Amis du musée, le Fonds du Patrimoine et un mécène japonais. Il est d'ailleurs impossible de croire que ce tableau si important ait pu être vendu si peu cher et je pense qu'il y a plutôt une belle coquille dans le journal... La «Sainte Françoise Romaine» n'a eu besoin que d'un simple nettoyage pour laisser éclater sa splendeur et devenir ainsi une nouvelle star du musée. Elle avait été commandée à Poussin en 1658 par le cardinal Rospigliosi, qui devint plus tard pape sous le nom de Clément IX, pour glorifier Sainte Françoise, censée avoir repoussé la peste qui se propagea à Rome durant l'hiver de 1656-1657. Ce tableau resta dans la famille du cardinal devenu pape jusqu'en 1798, date à laquelle les Rospigliosi furent contraints de vendre une bonne partie de leurs biens pour acquitter de lourdes taxes imposées par les occupants français. Nicole Duault rappelle que cette «Sainte Françoise» fut achetée par Alexis le Go, secrétaire de l'Académie de France, qui se retira plus tard en Provence, et qu'on oublia la toile jusqu'à sa réapparition miraculeuse dans cette brocante de Marseille. Il s'agit là d'une belle histoire quoique, si mon raisonnement s'avère être le bon, on a vraisemblablement omis de rendre hommage à ce chineur anonyme qui a redonné vie à ce beau Poussin en allant contacter l'expert car il semble vraiment saugrenu que ce dernier ait pu consacrer un week-end à aller chiner par hasard dans une petite brocante à l'autre bout de la France. Dimanche soir, je consulte ma boîte e-mail et trouve un message d'un visiteur d'artcult.com qui me signale qu'en décembre dernier une étude adjugeait à Drouot une vierge en bois naturel sculpté pour 4500 francs. Cette sculpture est présentée à nouveau dans un catalogue d'une vente prévue le 14 février mais cette fois-ci, O miracle !, elle a meilleure mine puisqu'elle devenue polychrome avec une estimation de 35 000 francs. Apparemment, la Vierge en question a dû faire un détour par Lourdes pour subir un divin lifting…
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