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Pouvoir faire ce qu'on veut est la garantie de parvenir à une richesse inouïe puisque c'est le plus grand des luxes….
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
XXème Chapitre
Vincent avant Van Gogh
01 Décembre 2003 |
Cet article se compose de 2 pages.
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Wim Sandberg, le directeur du Stedelijk, se proposa d'obtenir les services de Maurits Michiel van Dantzig, un spécialiste des faux, pour examiner certaines œuvres de la collection. Mais revenons d'abord en arrière pour bien comprendre cette histoire compliquée. Lorsqu'en mai 1886, la mère de Van Gogh quitta Nuenen et que le reste de la famille déménagea de Breda en 1889, tout l'œuvre laissé par l'artiste aurait été mis en caisse puis confié à la garde d'un charpentier du nom d'Adrianus Schrauwen alors que Van Gogh, installé à Paris puis en Arles, ne se préoccupa pas vraiment du sort de ses œuvres de jeunesse. A la mort de Van Gogh puis de Theo son frère, il y eut une sorte d'imbroglio testamentaire mais les œuvres laissées en dépôt à Breda s'étaient évaporées dans la nature. Ce ne fut qu'à partir de 1904 que Johanna Van Gogh se serait émue de leur sort en apprenant qu'elles avaient été vendues par Schrauwen pour un florin à un brocanteur lequel avait racheté d'autres toiles à son fils et ce, pour 128 florins car la célébrité de Van Gogh commençait alors à poindre. Le brocanteur en question aurait détruit des dessins représentant des nus, sa femme refusant de conserver des choses réprouvées par la morale, alors que d'autres œuvres auraient été dispersées à des prix ridicules. Bref, ce furent près de 500 oeuvres, 60 huiles sur châssis, 150 toiles libres, environ 160 dessins à la plume et entre cent et deux cents dessins à la craie qui seraient alors tombées dans l'escarcelle du brocanteur. M. Mouwen racheta de nombreuses pièces à ce dernier mais de fil en aiguille, des gens apprirent qu'on recherchait à Breda des œuvres perdues de Van Gogh, ce qui amena alors certaines âmes malintentionnées à vendre des faux. Ce fut à partir de 1905 que la gloire de Van Gogh commença à se faire jour suite à une grande rétrospective organisée au Stedelijk Museum et à une exposition de peintures et dessins au Salon des Indépendants à Paris. D'un autre côté, les œuvres redécouvertes firent par ricochet l'objet d'une suspicion accrue. En 1947 donc, Marijnissen reçut des nouvelles encourageantes de Van Dantzig qui lui demanda cependant des renseignements de plus en plus pointus sur la provenance des 237 œuvres en sa possession. Puis ce dernier se montra brutalement exigeant comme s'il le soupçonnait d'avoir plagié ces œuvres ou ajouté des signatures sur certaines des toiles. Fin 1948, Marijnissen reçut un coup sur la tête en recevant une lettre de Van Dantzig l'informant qu'un grand nombre de dessins et de peintures ne pouvaient être de la main de Van Gogh et que les signatures semblaient être fausses Vincent Van Gogh, fils de Theo, frère du peintre, aurait joué un rôle clé dans le refus des responsables du Stedelijk Museum de reconnaître les œuvres de la collection, ceux-ci craignant sans doute qu'un avis favorable de leur part fusse de nature à le fâcher au risque de l'amener à retirer les pièces de sa propre collection confiée au musée. Les spécialistes du Stedelijk s'étant carrément dégonflés, l'affaire en resta là alors que les histoires de faux s'étaient multipliées par ailleurs. Au lieu d'examiner avec un soin particulier la collection Marijnissen, ces messieurs préférèrent rester dans le doute pour surtout ménager la susceptibilité du neveu de Van Gogh. Trente-quatre ans plus tard, Jaffé admit avoir eu la certitude que toute une série de véritables Van Gogh figurait dans cette collection alors que durant tout ce temps, Marijnissen avait essayé de ne pas baisser les bras tout en soupçonnant le neveu du peintre d'avoir tout fait pour mettre sa collection hors jeu en exerçant au passage un chantage sordide, à savoir qu'il aurait quand même demandé la restitution de ces œuvres à sa famille, ce qui laisserait supposer quelque part que celles-ci étaient authentiques mais en cédant à cette exigence, Marijnissen aurait été pour ainsi dire roulé dans la farine en ne touchant pas un seul florin pour un geste aussi généreux que stupide. A cet égard, Benoît Landais dresse dans son livre un portrait peu flatteur de l'ingénieur Van Gogh qui, entre les lignes, apparaît sous un jour très défavorable. Van Dantzig alla même jusqu'à dire en 1952 que quand bien même les tableaux de cette collection proviendraient de Van Gogh, ce ne serait pas encore la preuve entière, ni même partielle, de leur authenticité. La collection fut oubliée et même enterrée jusqu'en 1978 lorsque le docteur Georg Klussmann, un psychiatre allemand passionné d'art, s'y intéressa au point de vouloir l'acheter. Ce dernier chercha à rouvrir le dossier et rencontra en 1983 Jaffé lequel reconnut une nouvelle fois que la collection recelait de plusieurs Van Gogh authentiques mais que les responsables du Stedelijk Museum, peu familiers avec les œuvres de la première période de l'artiste, n'avaient pas osé se prononcer dans le bon sens. Après avoir publié un livre sur la collection, Klussmann ne put toutefois poursuivre ses recherches. Ruiné et malade, il mourut à 44 ans en 1996 quelques mois après Marijnissen qui avait dispersé une partie des oeuvres en sa possession. Quoi qu'il en soit, le Musée Van Gogh créé à l'initiative du neveu de l'artiste, n'a pas osé ou voulu réparer l'erreur commise au départ, préférant laisser croire que la collection n'était constituée que de faux sans toutefois abandonner l'idée de mettre éventuellement la main dessus à un moment opportun. Pour sa part, Landais, honni par l'establishment, ne doute pas un seul instant que ces œuvres sont bien de la main d'un certain Vincent avant que celui-ci ne devienne Van Gogh…
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Justement, Landais vient d'écrire un livre intitulé « Vincent avant Van Gogh, l'affaire Marijnissen » (Editions les Impressions Nouvelles) appelé à faire du bruit dans le Landernau. L'histoire concerne un collectionneur de Breda qui, détenant plusieurs œuvres qu'ils pensait être de Van Gogh, vint solliciter l'avis de cet historien d'art opposé depuis des années aux pontes du Musée Van Gogh. Selon Landais, la mère de Vincent, Anna Cornelia Carbentus Van Gogh, oublia l'œuvre de son fils après sa mort. Par ailleurs, un certain Adrianus Schrauwen garda durant seize ans plus de mille dessins de Van Gogh dans son grenier. Puis, il y eut un brocanteur du nom de Johannes Couvreur qui acheta pour un petit florin les œuvres de cette collection oubliée. Johanna Van Gogh-Bonger, la veuve de Théo, frère de Van Gogh, aurait notamment cherché à récupérer les œuvres réapparues qui avaient été acquises par un certain Van der Muren lequel en vendit certaines à Johan de Graf. Finalement, le lot échut à Adrianus Marijnissen. Marijnissen, peintre à ses heures perdues et fonctionnaire des impôts de son état, s'adressa au Stedelijk Museum en 1947 alors que des querelles rampantes sur l'attribution des Van Gogh agitaient le monde des experts depuis une vingtaine d'années et que le procès du faussaire de Vermeer Van Meegeren avait ridiculisé les spécialistes du maître du XVIIe siècle et secoué les Pays-Bas par la même occasion. L'historien d'art Hans Jaffé fut ainsi mis au courant de l'existence de plus de deux cent cinquante Vincent : dessins, esquisses, aquarelles et huiles. Mais son esprit était d'autre part perturbé par d'autres affaires de faux Van Gogh écoulés sur le marché, celles de la collection Proux et du marchand Otto Wacker, des plagiats qui pour certains avaient été validés par les grands experts des années 1930 lesquels avaient dû ensuite faire machine arrière. Autant dire que Jaffé joua d'entrée la prudence à l'extrême. Jaffé demanda à Marijnissen de lui laisser le temps de se forger une opinion surtout que le collectionneur avait montré durant la guerre ses Vincent à d'autres spécialistes du peintre qui tous les avaient rejetés.
Wim Sandberg, le directeur du Stedelijk, se proposa d'obtenir les services de Maurits Michiel van Dantzig, un spécialiste des faux, pour examiner certaines œuvres de la collection. Mais revenons d'abord en arrière pour bien comprendre cette histoire compliquée. Lorsqu'en mai 1886, la mère de Van Gogh quitta Nuenen et que le reste de la famille déménagea de Breda en 1889, tout l'œuvre laissé par l'artiste aurait été mis en caisse puis confié à la garde d'un charpentier du nom d'Adrianus Schrauwen alors que Van Gogh, installé à Paris puis en Arles, ne se préoccupa pas vraiment du sort de ses œuvres de jeunesse. A la mort de Van Gogh puis de Theo son frère, il y eut une sorte d'imbroglio testamentaire mais les œuvres laissées en dépôt à Breda s'étaient évaporées dans la nature. Ce ne fut qu'à partir de 1904 que Johanna Van Gogh se serait émue de leur sort en apprenant qu'elles avaient été vendues par Schrauwen pour un florin à un brocanteur lequel avait racheté d'autres toiles à son fils et ce, pour 128 florins car la célébrité de Van Gogh commençait alors à poindre. Le brocanteur en question aurait détruit des dessins représentant des nus, sa femme refusant de conserver des choses réprouvées par la morale, alors que d'autres œuvres auraient été dispersées à des prix ridicules. Bref, ce furent près de 500 oeuvres, 60 huiles sur châssis, 150 toiles libres, environ 160 dessins à la plume et entre cent et deux cents dessins à la craie qui seraient alors tombées dans l'escarcelle du brocanteur. M. Mouwen racheta de nombreuses pièces à ce dernier mais de fil en aiguille, des gens apprirent qu'on recherchait à Breda des œuvres perdues de Van Gogh, ce qui amena alors certaines âmes malintentionnées à vendre des faux. Ce fut à partir de 1905 que la gloire de Van Gogh commença à se faire jour suite à une grande rétrospective organisée au Stedelijk Museum et à une exposition de peintures et dessins au Salon des Indépendants à Paris. D'un autre côté, les œuvres redécouvertes firent par ricochet l'objet d'une suspicion accrue. En 1947 donc, Marijnissen reçut des nouvelles encourageantes de Van Dantzig qui lui demanda cependant des renseignements de plus en plus pointus sur la provenance des 237 œuvres en sa possession. Puis ce dernier se montra brutalement exigeant comme s'il le soupçonnait d'avoir plagié ces œuvres ou ajouté des signatures sur certaines des toiles. Fin 1948, Marijnissen reçut un coup sur la tête en recevant une lettre de Van Dantzig l'informant qu'un grand nombre de dessins et de peintures ne pouvaient être de la main de Van Gogh et que les signatures semblaient être fausses Vincent Van Gogh, fils de Theo, frère du peintre, aurait joué un rôle clé dans le refus des responsables du Stedelijk Museum de reconnaître les œuvres de la collection, ceux-ci craignant sans doute qu'un avis favorable de leur part fusse de nature à le fâcher au risque de l'amener à retirer les pièces de sa propre collection confiée au musée. Les spécialistes du Stedelijk s'étant carrément dégonflés, l'affaire en resta là alors que les histoires de faux s'étaient multipliées par ailleurs. Au lieu d'examiner avec un soin particulier la collection Marijnissen, ces messieurs préférèrent rester dans le doute pour surtout ménager la susceptibilité du neveu de Van Gogh. Trente-quatre ans plus tard, Jaffé admit avoir eu la certitude que toute une série de véritables Van Gogh figurait dans cette collection alors que durant tout ce temps, Marijnissen avait essayé de ne pas baisser les bras tout en soupçonnant le neveu du peintre d'avoir tout fait pour mettre sa collection hors jeu en exerçant au passage un chantage sordide, à savoir qu'il aurait quand même demandé la restitution de ces œuvres à sa famille, ce qui laisserait supposer quelque part que celles-ci étaient authentiques mais en cédant à cette exigence, Marijnissen aurait été pour ainsi dire roulé dans la farine en ne touchant pas un seul florin pour un geste aussi généreux que stupide. A cet égard, Benoît Landais dresse dans son livre un portrait peu flatteur de l'ingénieur Van Gogh qui, entre les lignes, apparaît sous un jour très défavorable. Van Dantzig alla même jusqu'à dire en 1952 que quand bien même les tableaux de cette collection proviendraient de Van Gogh, ce ne serait pas encore la preuve entière, ni même partielle, de leur authenticité. La collection fut oubliée et même enterrée jusqu'en 1978 lorsque le docteur Georg Klussmann, un psychiatre allemand passionné d'art, s'y intéressa au point de vouloir l'acheter. Ce dernier chercha à rouvrir le dossier et rencontra en 1983 Jaffé lequel reconnut une nouvelle fois que la collection recelait de plusieurs Van Gogh authentiques mais que les responsables du Stedelijk Museum, peu familiers avec les œuvres de la première période de l'artiste, n'avaient pas osé se prononcer dans le bon sens. Après avoir publié un livre sur la collection, Klussmann ne put toutefois poursuivre ses recherches. Ruiné et malade, il mourut à 44 ans en 1996 quelques mois après Marijnissen qui avait dispersé une partie des oeuvres en sa possession. Quoi qu'il en soit, le Musée Van Gogh créé à l'initiative du neveu de l'artiste, n'a pas osé ou voulu réparer l'erreur commise au départ, préférant laisser croire que la collection n'était constituée que de faux sans toutefois abandonner l'idée de mettre éventuellement la main dessus à un moment opportun. Pour sa part, Landais, honni par l'establishment, ne doute pas un seul instant que ces œuvres sont bien de la main d'un certain Vincent avant que celui-ci ne devienne Van Gogh…
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