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Un premier semestre bien terne
01 Mai 2004



La crise économique a persisté durant le premier semestre de 2004 malgré des rapports d'experts annonciateurs d'une reprise, contredits cependant par une hausse du nombre des chômeurs et par une baisse du moral des ménages, ce qui n'a pas manqué par ricochet de rendre le marché de l'art apathique à souhait.

Le record de 104 millions de dollars obtenu à New York pour le « Jeune Garçon à la pipe » de Picasso n'aura donc été qu'une péripétie sans conséquence pour le marché de l'art qui a un mal fou à se relancer depuis plus d'un an.

Certes, l'intervention américaine en Irak aura constitué un frein à l'économie mondiale, déjà ébranlée par les attentats du 11 septembre 2001 à New York mais le marché de l'art souffre en fait d'un mal plus profond dû d'une part au fait que le réservoir des œuvres exceptionnelles s'est épuisé au fil des ans et d'autre part à des changements de comportement au sein du monde occidental.

Les goûts vont aujourd'hui aux loisirs et à l'ameublement « cheap » style Ikea ou Habitat et les ménages de moins de 40 ans d'âge se détournent ostensiblement des vieilleries du passé parce qu'elles ont de moins en moins leur place dans les décors d'aujourd'hui. En outre, ceux-ci ont de moins en moins d'argent à leur disposition et s'ils possèdent des économies, ils rechignent à dépenser par peur de lendemains incertains.

Il y a vingt ans, un cadre pouvait espérer rester plus de dix ans au sein de la même entreprise, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui et la crainte du chômage à 50 ans incite la population active à faire acte d'une prudence extrême.

Les habitués du marché de l'art vieillissent et ceux qui sont appelés à leur succéder sont peu nombreux. Voilà un constat amer pour les professionnels dont les chiffres d'affaires ont chuté lourdement depuis la fin de 2001 et qui sentent que leur métier est agonisant.

Il n'y a que les grands marchands qui peuvent espérer s'en sortir grâce à des ventes de pièces exceptionnelles, surtout dans les domaines de la peinture, du dessin et des meubles Art Déco alors que la désaffection des amateurs pour les meubles du XVIIIe siècle devient inquiétante.

Les groupes de ventes souffrent au point que certains sont au bord de la faillite pour la simple raison que le volume des vacations a chuté lourdement depuis six mois et que les ventes de prestige ont été rares. Résultat : les chiffres d'affaires des maisons de vente est en baisse d'environ 20% par rapport au premier semestre de 2003.

Le mois de juin et la première semaine de juillet sont les périodes de la dernière chance, celles où la tendance peut s'améliorer mais le retard accumulé durant ces cinq derniers mois ne pourra être rattrapé.

De plus, en cas de reprise économique, celle-ci se situera d'abord au niveau des dépenses courantes et dans l'amélioration des ventes d'automobiles ou d'habitations. En ce qui concerne le marché de l'art, l'espoir réside avant tout dans le retour des acheteurs américains en Europe et rien de plus car le goût des Français n'est pas aux antiquités. Il n'y a au mieux que le secteur de l'art contemporain, plus en phase avec la mode actuelle, qui pourrait finalement profiter d'une reprise économique mais globalement, il faudra toujours compter avec la situation internationale plutôt délétère en raison des événements en Irak et au Proche-Orient et de la menace constante d'attentats terroristes liés à la mouvance d'Al Qaïda.

Finalement, les dangers s'accentuent pour le monde occidental confronté à la fracture entre le Nord et le Sud et à l'obscurantisme grandissant des intégristes islamistes plus que jamais décidés à le déstabiliser comme les attentats de Madrid l'ont démontré. Il ressort donc de cet état de fait que l'économie mondiale reste plus que jamais fragilisée en étant sans cesse soumise à des soubresauts incontrôlables. La reprise peut donc être dans l'air du temps et si elle intervient demain, elle pourra être vite remise en cause par un attentat de grande ampleur qui mettrait à mal les places boursières du monde entier et ferait monter le prix du baril de pétrole à un autre niveau record. A ce compte là, le marché de l'art ne sortira pas de l'ornière dans lequel il reste englué.

Adrian Darmon

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