La fin du second trimestre 2003 n'a guère connu d'amélioration sur le plan économique mondial, bien au contraire, et le marché de l'art a pâti d'une situation jugée comme désastreuse par la plupart des professionnels. Récession en Allemagne, recul de l'activité et grèves à n'en plus finir en France, ralentissement économique dans la plupart des pays industrialisés, la crise a forcé les entreprises à réduire leurs investissements de manière drastique tandis que le moral des ménages est resté au plus bas.
Dans les ventes aux enchères, seules les pièces rares et de qualité se vendent alors qu'on enregistre un taux d'invendus dépassant les 70% pour les objets et les oeuvres de qualité moyenne.. Ceux qui disposent de liquidités ont donc la possibilité de réaliser d'excellentes affaires tout en gardant cependant à l'esprit qu'il leur faudra conserver un temps ce qu'ils ont acheté car les espoirs de revente rapide sont minces.
La situation en France est nettement plus catastrophique qu'on ne le pense d'autant plus qu'une explosion sociale est à craindre dès septembre 2003 si une solution équitable n'est pas trouvée au sujet de l'épineux dossier des retraites autour duquel les mouvements de grève se sont greffés. Demeurent aussi le problème causé par le projet de décentralisation au sein de l'Education nationale et celui du chômage dont la courbe est ascendante.
Il y aura bien sûr une trêve entre le 14 juillet et le 14 septembre, c'est à dire durant la sacro-sainte période des vacances mais les problèmes auront sans nul doute plus d'acuité durant l'automne car il n'existe aucun espoir de reprise au plan économique dans le court terme.
De mémoire de professionnel, il n'y a jamais eu de crise aussi prolongée et grave sur le marché de l'art qu'aujourd'hui. Certes, on pourrait rappeler qu'au début des années 1930, la crise de Wall Street avait touché l'Europe de plein fouet et qu'alors plus rien ne se vendait sur le marché mais les anciens ne sont plus là pour évoquer cette fâcheuse période.
La décélération qui a fait suite à la guerre du Golfe en 1991 a eu des effets moins pernicieux que la crise actuelle laquelle s'est amplifiée dramatiquement avec la guerre en Irak au mois de mars dernier. A titre d'exemple, les journées du Carré Rive Gauche ont été désastreuses pour les marchands qui pour ainsi dire n'ont fait que se tourner les pouces. En attendant, les frais s'accumulent et de nombreux antiquaires et brocanteurs sont au bord de la faillite.
Ce n'est pas seulement le marché de l'art qui est touché mais en fait tous les secteurs de l'économie alors que l'euro fort freine les exportations, que nombre d'entreprises font du sur-place au niveau de leurs affaires et que le déficit de la Sécurité Sociale ne cesse de gonfler démesurément.
L'Europe vit actuellement au-dessus de ses moyens et l'élargissement de la CEE, dans les conditions actuelles, risque de peser encore plus lourd sur les budgets de nombreux pays. L'union fait habituellement la force mais dans le cas présent, elle se transforme en farce née de la volonté de l'Europe de constituer un bloc économique fort face à la puissance américaine. En fait, le prix à payer pour cet élargissement s'avère colossal car les pays candidats à l'union ont des besoins qui nécessitent des sacrifices de la part des principaux Etats membres dont la santé économique n'est pour l'instant guère florissante, ce qui signifie qu'ils devront s'appauvrir pour aider les moins nantis. L'élargissement de l'Europe ne peut donc être viable que dans le cadre d'une activité économique soutenue, ce qui n'est certes pas le cas aujourd'hui.
L'Allemagne a grandement fait les frais de sa réunification avec pour résultat un net recul de son PIB tandis que d'autres pays, comme la Grande-Bretagne qui a laissé la livre baisser de plus de 15% pour rester au niveau de ses exportations, cherchent à limiter les dégâts mais le mal étant général, les échanges internationaux et la consommation ont fini par s'essouffler au grand dam des patrons d'entreprises. Moins de ventes, moins d'achats, moins d'activité, moins de clients. Le postulat est simple à vérifier mais dans le cas de la France et d'autres pays industrialisés, les économies à faire deviennent de plus en plus urgentes. L'équation est apparemment insoluble car les gouvernements ne peuvent augmenter les impôts au risque de faire baisser la consommation alors que prolonger de deux ou trois années supplémentaires la durée du travail provoque des mouvements sociaux et ne peut résoudre le problème de l'exclusion du marché de l'emploi des personnes âgées de plus de 50 ans dont les compétences pourraient être fort utiles à l'économie.
Face au blocage actuel, il reste à espérer une reprise économique rapide aux Etats-Unis, le seul pays malheureusement capable de sauver la planète car c'est de lui en grande partie que dépendent les échanges internationaux.
Le marché de l'art souffre notamment de l'absence des acheteurs américains dont l'inquiétude manifestée après les attentats du 11 septembre 2001 ne s'est pas dissipée alors qu'en Europe, l'industrie du tourisme a été touchée de plein fouet avec une perte moyenne de 50% de touristes étrangers.
Les acheteurs français subissent également la crise et leur nombre ne permet pas habituellement de faire vivre le marché dont le volume d'affaires a baissé de près de 60% durant ces neuf derniers mois. L'art relevant du plaisir, il est de fait que les inquiétudes nées de la crise économique n'incite guère les gens à faire des achats superflus si leur prospérité est menacée.
Il n'y a ainsi pas d'autre solution que d'attendre une reprise économique, ce qui tiendrait du miracle si elle pouvait intervenir avant le printemps de 2004.
Adrian Darmon