Au début des années 1980, un artiste
canadien avait investi les rues de New York pour créer des graffiti sur des
immeubles et des ponts représentant des silhouettes de monstres ou de cow-boys
et ce, bien avant l'émergence de Banksy, le roi actuel du Street Art.
Né en 1954, Richard Hambledon
travaillait plutôt à la manière de Jackson Pollock et avait été même à Paris ou
Berlin recouvrir les murs de ces villes de ses créations, ce qui lui avait valu
d'ailleurs d'être régulièrement exposé dans des musées d'art contemporain.
Mais qui connait en fait Hambledon ?
En vérité, peu de gens alors que dans les galeries des vieux quartiers de New
York ses oeuvres se vendaient à coups de milliers de dollars et bien plus cher que celles
de ses amis Keith Haring ou Jean-Michel Basquiat.
A Manhattan, Hambledon avait produit
plus de 450 silhouettes sur des murs de bâtiments et d'autres sur celui
séparant la ville de Berlin mais durant les années 1990, il devint oublié après
être tombé dans la drogue et la misère au point d'utiliser le sang de ses
seringues remplies d'héroïne pour continuer à peindre.
A la proie à la maladie- il perdit un
bout de son nez et fut affecté d'un cancer de la peau- l'artiste a continué à
végéter jusqu'au moment où des galeries se sont à nouveau intéressées à lui en
le saluant comme un pionnier du Street Art et comme le père spirituel de Banksy
alors qu'un documentaire sur sa vie et son travail titré "Shadowman"
a été présenté au festival du film de Tribeca le 21 avril.
Après avoir étudié la peinture à
Vancouver, Hambledon avait vite connu la notoriété en peignant dans 15 villes à
travers les Etats-Unis et le Canada des fausses scènes de crime avec des
silhouettes de corps peintes en rouge.
"J'avais commencé à croire que
j'étais un meurtrier car en revenant dans ma chambre d'hôtel, j'étais couvert
de peinture rouge-sang," l'entendons dire dans le documentaire en indiquant
qu'une ville n'était pas une toile blanche mais un film auquel il collabore.
Installé dans le quartier de East
Village en 1979, il se rendit dès le premier soir dans le fameux Club 57 où il
fit la connaissance de Basquiat avant de se mettre à peindre ses silhouettes
sur des murs de bâtiments désaffectés alors que ce dernier y ajoutait des
masques et des couronnes.
Travaillant la nuit et ne signant
jamais ses créations, Hambledon attira l'attention d'amateurs d'art branchés
pour devenir un artiste recherché en compagnie de Haring et Basquiat tandis
qu'il se montra auprès de Warhol et de vedettes de Rock dans moult vernissages
et réceptions, une cigarette au bec avec une cohorte de filles à ses
côtés.
En 1982, sa célébrité fut au zénith
lorsqu'il peignit des silhouettes sur toile qui se vendaient 15,000 dollars
l'unité alors que celles de Basquiat atteignaient au mieux les 10,000. Actif
dans 24 villes des Etats-Unis et d'Europe, il participa à la Biennale de Venise
en 1984 après avoir produit ses fameuses silhouettes dans certains quartiers de
Paris avant de se mettre à peindre des paysages jugés à présent sublimes.
Tout aurait pu aller pour le mieux
s'il ne s'était pas drogué, d'abord à l'ecstasy puis plus tard à l'héroïne,
comme Basquiat d'ailleurs, en se suicidant littéralement alors que ses
silhouettes faisaient l'unanimité, au contraire de ses paysages dont les
galeries ne voulaient pas.
Il rentra dans le rang à la fin des
années 1980 tandis que les prix des oeuvres de Haring et de Basquiat
commençaient à s'envoler avant que le premier soit victime du Sida et que le
second succombe à une surdose d'héroïne.
Dans son malheur, Hambledon réussit à
survivre après être passé au crack et à l'héroïne en vivant chichement dans un
meublé miteux d'Orchard Street en compagnie d'une prostituée et des drogués
comme voisins qui venaient souvent lui rendre visite.
Sans emploi, Hambledon n'eut pas les
moyens de s'acheter de la peinture sinon d'utiliser son sang récupéré des
seringues qu'il utilisait pour se shooter pour continuer à produire des oeuvres
avant de rencontrer en 2009 Vladimir Restoin et Andy Valmorbida, deux jeunes
galeristes en lien avec les milieux de la mode qui s'arrangèrent à lui
organiser une exposition sponsorisée par la maison Armani.
Dès lors, l'artiste devint à nouveau
recherché des amateurs de Street Art après avoir donné de nombreuses oeuvres à
des patrons de restaurants pour manger en dépensant son argent nouvellement
gagné avec des femmes et pour s'acheter des doses de drogue et du matériel de peinture.
Hambledon occupe désormais un atelier
dans l'East Village et travaille intensément alors qu'il fait l'objet d'une
exposition à la Woodward Gallery jusqu'au 5 mai avant d'être montré en octobre
au Museum of Modern Art (MoMA) dans une manifestation consacrée au Club 57.
Le Street Art a le vent en poupe
actuellement et les amateurs sont à la recherche d'oeuvres d'artistes qui ont
fait son histoire, comme Rammellzee, mort à 49 ans en juin 2010, dont on avait aussi longtemps oublié le nom.
Récemment, une oeuvre de cet artiste
proposée entre 2000 et 3000 euros chez Christie's à Amsterdam a été vendue à
plus de 90,000 euros à la suite d'une intense bataille d'enchères, ce qui
démontre l'intérêt soudain porté sur lui.
Né dans le Queens en 1960, Rammellzee
(prononcez Ram Ell Zee) qualifiait son travail de Futurisme gothique après
avoir développé une théorie toute personnelle d'une guerre des lettres de
l'alphabet contre toute standardisation en déclinant celui-ci sous forme de
peintures et de performances tout en étant très actif comme musicien alors que son premier
disque, "Beat Bop" (1982) eut une influence considérable sur de
nombreux rappeurs.
Rammellzee, qui apparut aussi
dans les films Downtown (1981), Wild
Style (1983) et Stranger Than Paradise de Jim Jarmusch en 1984, avait publié un
traité appelé "Ionic Treatise Gothic Furturism assassin knowledges of the
remanipulated square points to 720 to 1440" définissant un concept anarchique
destiné à réviser le rôle du langage dans la société.
Parfois
affublé de masques et de costumes créés par lui-même pour personnifier les
figures de l'équation mathématique qu'il disait représenter,
l'artiste avait expliqué que son oeuvre était une extension logique vers une
nouvelle phase appelée "Ikonoklast Panzerism" pour se comporter comme un théoricien encore plus
fou que Salvador Dali.
Ayant
un rapport étroit avec la musique, ses oeuvres furent exposées dans de
nombreuses galeries aux Etats-Unis et en Europe alors qu'il s'affirma par
ailleurs comme un des plus importants artistes hip hop en introduisant des
styles vocaux spécifiques dès le début des années 1980.
Devenu
connu en 1982 après avoir produit des tags sur les wagons des rames du métro de
New York en compagnie de Dondi, OU3, Ink 76 ou Doctor Revolt, Rammellzee ne
cessa pas d'enregistrer des disques en contribuant au mouvement de
l'Afrofuturism avec son utilisation répétée du langage comme technologie bien
qu'il considérât que son travail avait plus à voir avec la tradition européenne
monastique.
Sa
théorie du Gothic Futurism consistait à déconstruire la langue anglaise telle
qu'elle était admise pour s'opposer à la nature oppressive de l'alphabet et le
libérer à travers des confrontations du genre galactique. "Au 14e siècle,
les moines ornèrent et illustrèrent des manuscrits de lettres. Au 20e et au 21e
siècle, la compétition entre les lettres de l'alphabet fait qu'elles font
l'objet de courses et de batailles rendues possibles par l'équation secrète
connue comme THE RAMM:ELL: ZEE", avait-il déclaré un jour. Bref, comprenne qui pourra mais en attendant, cet artiste fait l'objet de toutes les attentions des amateurs.