Un souterrain creusé dans la craie à
Royston (Hertsfordshire) intrigue depuis 250 ans les chercheurs qui y ont trouvé des dizaines
de gravures réalisées sur ses murs, vraisemblablement par des Templiers au
Moyen-Âge.
Fondé lors du concile de Troyes en
1129 par Hugues de Payns, un chevalier de la région de la Champagne, et huit de
ses compagnons à partir d'une milice appelée les Pauvres chevaliers du Christ
et du Temple de Salomon, l'ordre des Templiers était devenu puissant au fil des
ans en défendant notamment les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte durant
les 12e et 13e siècles au point de provoquer la jalousie de l'Eglise et du roi de France Philippe le Bel.
Parmi les gravures, figure un symbole
de leur ordre montrant deux chevaliers à cheval ainsi que des scènes du
Calvaire du Christ, de la Sainte Famille et du Saint Sépulcre ainsi que des
personnages difficilement identifiables, peut-être des saints ou des martyrs
recouverts de nombreux graffiti.
Longtemps oubliés après l'exécution
en France le 12 mai 1310 de ses chefs accusés de d'hérésie et de sorcellerie,
l'ordre avait essaimé à travers l'Europe en participant activement à nombre de
batailles qui eurent lieu lors des croisades et de la reconquête ibérique avant
d'être remis à l'honneur lors de la parution du célèbre livre "Da Vinci
Code" en suscitant bien des légendes à son sujet, notamment celle du
fameux Graal qui serait caché quelque part en Grande-Bretagne où ce souterrain fut découvert par accident
en 1742..
Interlocuteur financier
privilégié des puissances de l'époque, celui-ci fut amené à mener des
transactions sans but lucratif avec certains rois avant d'être victime de la lutte entre
la papauté et Philippe le Bel et d'être dissous par le pape Clément V le 13
mars 1312 à la suite d'un procès en hérésie.
En prêchant la première
croisade le 27 novembre 1095, le pape
Urbain II avait oeuvré en faveur de la création d'un corps armé pour protéger
les pèlerins chrétiens qui se rendaient à Jérusalem qui fut conquise quatre ans plus tard par
les troupes de Godefroy de Bouillon.
Futur fondateur et premier
maître de l'ordre du Temple, Hugues de Payns était venu pour la première fois
en Terre Sainte en 1104 avant de revenir en 1107 et d'y retourner en 1114 en
compagnie de Hugues de Champagne pour assurer la protection du tombeau du Christ.
Après la prise de Jérusalem,
Godefroy de Bouillon avait mis en place l'ordre des chanoines du Saint-Sépulcre
avec l'assistance de certains hommes d'armes réunis au sein d'une milice, dont
Hugues de Payns qui l'intégra en 1115 avant de donner naissance avec Godefroy
de Saint-Omer à l'ordre des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de
Salomon le 23 janvier 1120 en parvenant
ensuite à convaincre le roi de Jérusalem Baudouin II de son utilité pour se faire octroyer une partie de son palais situé à l'emplacement de la mosquée d'Al Aqsa
mais qui était appelé à tort "Temple de Salomon".
Ce fut ainsi que l'ordre des
Templiers fut créé par de Payns, Saint-Omer, André de Montbard, Payen de Montdidier,
Geoffroy Bisol, Rolland, Archambault de Saint-Amand et Gondemare avant que
certains d'entre eux embarquent pour l'Occident en 1127 pour délivrer un message au pape Honorius II afin de le faire
reconnaître par l'Eglise et lui donner une règle ainsi qu'une légitimité pour
ses actions.
Fort de nombreux soutiens, dont
celui de Bernard de Clairvaux qui fit son éloge, l'ordre suscita une grande
ferveur et une reconnaissance générale qui lui permit de prospérer en jouissant
de privilèges accordés par le pape
Innocent II dès 1139 pour entraîner des conflits d'intérêts entre les
Templiers et les évêques ou curés.
Autorisés à construire
leurs propres oratoires et de disposer
d'une totale indépendance vis-à-vis du clergé séculier grâce au droit de
percevoir des dîmes et d'enterrer
leurs morts dans leurs propres cimetières, les Templiers, dont la règle
s'inspirait en majeure partie de celle de saint Benoît, n'eurent cependant pas
de devise mais toutefois la faculté de recruter des candidats pauvres âgés de
plus de 18 ans, célibataires, non endettés, en parfaite santé mentale et
physique, probes, libres et non excommuniés.
Les Templiers étaient organisés
comme un ordre monastique, suivant la règle créée pour eux par Bernard de Clairvaux. Dans chaque pays
était nommé un maître qui dirigeait l'ensemble des commanderies et dépendances et tous étaient
sujets du maître de l'ordre, désigné à vie, qui supervisait à la fois les
efforts militaires de l'ordre en Orient et ses possessions financières en
Occident.
À tout moment, chaque chevalier
avait environ dix personnes à sa disposition. Quelques frères
seulement se consacraient aux opérations bancaires (spécialement ceux qui
étaient éduqués), car l'ordre eut souvent la confiance des participants aux croisades
pour la bonne garde de marchandises précieuses. Cependant, la mission première
des Chevaliers du Temple restait la protection militaire des pèlerins de Terre
sainte.
L'expression « grand
maître » pour désigner le chef suprême de l'ordre apparut à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle dans des chartes tardives et dans les
actes du procès des Templiers avant d'être reprise et popularisée par certains
historiens des XIXe et XXe siècle
En Occident comme en Orient,
les hauts dignitaires étaient appelés maîtres des pays ou provinces : il y
avait donc un maître en France, un maître en Angleterre, un maître en Espagne
ou ailleurs. Aucune confusion n'était possible puisque l'ordre n'était dirigé
que par un seul maître à la fois, celui-ci demeurant à Jérusalem, en en comptant au total23 de 1129 à
1312.
L'ordre du Temple aida
exceptionnellement les rois en proie à des difficultés financières. À plusieurs
reprises dans l'histoire des croisades, les Templiers renflouèrent les caisses
royales momentanément vides (croisade de Louis VII), ou payèrent les rançons de
rois faits prisonniers (croisade de Louis IX).
En Orient comme en Occident,
l'ordre du Temple était en possession de reliques en étant parfois amené à les
transporter pour son propre compte ou pour autrui. Les chapelles des Templiers abritaient les reliques des saints auxquelles elles étaient dédiées. Parmi les
plus importantes reliques de l'ordre se trouvaient le manteau de saint Bernard,
des morceaux de la couronne d'épines et des
fragments de la vraie Croix.
Afin d'assurer le transport
des biens, des armes, des frères de l'ordre, des pèlerins et des chevaux,
l'ordre du Temple avait fait construire ses propres bateaux. Il ne s'agissait
pas d'une flotte importante, comparable à celles des xive et xve siècles,
mais de quelques navires qui partaient des ports de Marseille, Nice,
Saint-Raphaël, Collioure ou Aigues-Mortes ou de ports italiens et les commanderies
situées dans les ports jouaient donc un rôle important dans les activités
commerciales de l'ordre dont les navires s'appelaient notamment. Le
Templère, le Buscart, le Buszarde du Temple qui vers 1230 assuraient des liaisons en direction de l'Angleterre,La Bonne Aventure (en 1248) , la
Rose du Temple navigant à
partir de Marseille entre 1288
et 1290,L'Angellica en
Italie du sud, Le Faucon (entre
1291 et 1301) ainsi que La Santa Anna en 1302 à Chypre.
Devenus chambriers du pape pour
certains, les Templiers se virent accorder le droit de porter la croix pattée sur l'épaule gauche en 1147 par
Eugène III, laquelle devint leur insigne issu de celle de l'ordre du
Saint-Sépulcre, la couleur rouge rappelant le sang versé par le Christ.
Pour équiper son armée, l'ordre
du Temple fournissait trois chevaux à chacun de ses chevaliers dont l'entretien
était assuré par un écuyer et ceux-ci devaient
être harnachés de la plus simple manière exprimant le vœu de pauvreté alors que
quatre montures étaient fournies à tous les hauts dignitaires.
Les croisés dans leur ensemble
étaient perçus par les Arabes comme des barbares ignorants parfois même accusés
de cannibalisme, ce qui n'était pas le cas des Templiers considérés par leurs
ennemis comme les plus redoutables mais aussi les plus tolérants vis-à-vis de
leur culte.
Militairement, les
Templiers étaient des soldats d'élite. Faisant preuve d'un grand courage, ils subirent
souvent de lourdes pertes, notamment à la bataille d'Ascalon en 1153 ou en 1187
lorsque Saladin vainquit les croisés à Hattin, près de Tibériade, en faisant 15
000 prisonniers et en exécutant tous les Templiers en dehors de Gérard de
Ridefort, leur grand maître qui, deux ans plus tard, fut capturé à nouveau et
décapité devant Acre pour être remplacé par Robert de Sablé qui mena les troupes
de Richard Coeur de Lion au combat en parvenant à mettre l'armée de Saladin en
déroute.
Le 8 février 1250, désobéissant
aux ordres de son frère Louis IX, le comte Robert 1er d'Artois voulut attaquer
les forces égyptiennes à Mansourah malgré les protestations des Templiers qui
lui recommandaient d'attendre le gros de l'armée royale. Les Francs
s'emparèrent de la cité mais furent massacrés par les troupes musulmanes qui
tuèrent 295 Templiers. Celles du roi de France réussirent à les anéantir avant
que celui-ci ne soit capturé puis libéré contre une rançon payée par les Templiers à l'issue
d'une défaite désastreuse pour la chrétienté.
Exerçant une activité
économique, commerciale et financière pour payer les frais inhérents au
fonctionnement de l'ordre et les dépenses de leurs activités militaires en
Orient, les Templiers prêtaient de l'argent à toutes sortes de personnes ou
institutions : pèlerins, croisés, marchands, congrégations monastiques,
clergé, rois et princes. Ils inventèrent ainsi le bon de dépôt, appelé plus
tard lettre de change, et devinrent des banquiers en gardant de l'argent, des
bijoux et des documents qui leur étaient confiés par les pèlerins ou des nobles
de passage.
Les commanderies de Paris ou de
Londres servaient de
centres de dépôts pour la France et l'Angleterre. Au moment de l'arrestation
des Templiers en 1307, un seul
coffre important fut retrouvé, celui du
visiteur de France Hugues de Pairaud dont le contenu fut confisqué par le roi
pour rejoindre les caisses royales
La suppression de l'ordre par
Philippe le Bel n'eut cependant pour objectif de récupérer le trésor des
templiers car le trésor du Temple était bien inférieur à celui qu'il détenait
puisqu'il avait résolu ses difficultés financières en essayant d'établir des
impôts réguliers, en taxant
lourdement les juifs et les banquiers lombards, parfois en confisquant leurs
biens et en pratiquant des dévaluations monétaires.
Auparavant, Louis VII avait
laissé le trésor royal à la garde des Templiers de Paris en partant en 1146
pour la 2e Croisade et ses successeurs firent confiance aux trésoriers de
l'ordre tout comme Henri II d'Angleterre qui compta de nombreux conseillers
parmi leurs rangs.
À la suite de la perte d'Acre
par les chrétiens en 1291, le
siège de l'ordre fut transféré à Chypre où vivait Jacques de Molay, son dernier
maître qui fut arrêté à son retour en France, tandis que les Templiers avaient
fait construire de nombreuses forteresses à travers l'Europe, notamment au
Portugal, en Espagne où ils combattirent les musulmans mais aussi en Europe de
l'Est pour lutter contre les païens, après en avoir tenu quatre dans le royaume
de Jérusalem.
Leurs commanderies furent bien plus nombreuses en servant de base arrière afin de financer leurs
activités et d'assurer le recrutement et la formation militaire des frères qui
souvent faisaient des dons au Temple, tout comme des nobles et des souverains
qui offraient aussi des biens fonciers. Des commanderies essaimèrent en France,
en Angleterre, en Espagne, au Portugal, en Ecosse, en Irlande, en Pologne, en
Hongrie, en Allemagne, en Italie, dans les Flandres ou les Pays-Bas et même en
Orient mais la plupart furent détruites après l'extinction de l'ordre.
La perte de Saint-Jean-d'Acre,
qui entraîna celle de la Terre Sainte, marqua le début de la déchéance de l'ordre
qui s'était replié à Chypre. Ne pouvant plus protéger les pèlerins, sa raison
d'être cessait donc d'exister tandis que les Templiers étaient désormais perçus
comme des seigneurs orgueilleux et cupides menant une vie désordonnée sans
compter qu'une querelle opposait Philippe IV le Bel au pape Boniface V III qui
avait affirmé la supériorité du pouvoir pontifical sur le pouvoir temporel des
rois en publiant une bulle en 1302 pour susciter l'ire du souverain, lequel avait
réclamé sa destitution pour se voir être excommunié en retour.
Boniface mourut le 11 octobre
1303 puis Benoît XI décéda à son tour dix mois plus tard en laissant la place
à Clément V, élu le 5 juin 1305 au moment où les Templiers possédaient
d'immenses richesses et une puissance militaire équivalente à 15000 hommes pour
ainsi faire de l'ombre au roi de France.
Clément V envisagea de lancer
une nouvelle croisade en contactant Jacques de Molay qui s'opposa à cette idée alors qu'il refusa au roi de France d'être fait chevalier du Temple à titre
honorifique. Toujours fut-il que Philippe et le pape d'origine française se
rencontrèrent, a-t-on dit, à trois reprises entre 1306 et 1308 pour discuter
notamment du sort des Templiers. Ils seraient d'ailleurs vus à ce sujet en 1305
puis en 1307 avant que le souverain pontife ne décide de nommer en 1308 des
commissions chargées d'enquêter sur l'ordre, en marge de la procédure séculière
engagée par le roi sur la foi d'un renseignement
donné par d'Esquieu de Floyran, un Templier renégat emprisonné pour meurtre qui
avait recueilli la confession d'un frère condamné à mort ayant partagé sa
cellule pour avouer le reniement de Dieu, les pratiques obscènes des rites
d'entrée dans l'ordre et la sodomie.
N'ayant pas réussi à vendre ses
rumeurs à Jacques II d'Aragon, Esquieu de
Floyran avait été incité par Guillaume de Nogaret, le conseiller de Philippe,à
diffuser au sein de la population les idées malsaines des Templiers tandis que
le souverain écrivit au Pape pour lui faire part du contenu de ces aveux. Mis
au courant de ces rumeurs, de Molay demanda une enquête pontificale qui lui
fut accordée le 24 août 1307 mais Philippe n'attendit pas ses conclusions en
décrétant le 13 octobre la saisie de tous les biens des Templiers ainsi que
leur arrestation massive en France.
Jacques de Molay fut arrêté
dans l'enceinte du Temple à Paris, tout comme 138 Templiers qui se laissèrent
emmener sans résistance tandis qu'un scénario identique se déroula dans tout le
pays où certains des membres de l'ordre parvinrent à s'échapper tandis que le
roi enjoignit aux souverains d'Espagne et d'Angleterre de faire de même mais
ceux-ci refusèrent.
Cependant, l'ordre du Temple
était un ordre religieux et ne pouvait subir à ce titre la justice laïque.
Philippe le Bel demanda donc à son confesseur, Guillaume de Paris, aussi Grand
Inquisiteur de France, de procéder aux interrogatoires des cent trente-huit
Templiers arrêtés dans la ville. Parmi ces chevaliers, trente-huit moururent
sous la torture, mais le processus des « aveux » avait été enclenché,
donnant lieu aux accusations d'hérésie et d'idolâtrie. Parmi les péchés
confessés le plus souvent, l'inquisition enregistra
le reniement de la Sainte-Croix, le reniement du Christ, la sodomie et
l'adoration d'une idole appelée Baphomet alors que trois Templiers résistèrent
à la torture et n'avouèrent aucun comportement obscène.
De son côté, le Pape publia une
bulle ordonnant aux souverains européens d'arrêter les Templiers qui résidaient
chez eux et de mettre leurs biens sous la gestion de l'Église. Pour tirer une
légitimité au nom du peuple et pour impressionner le Pape, le roi de France
convoqua à Tours les Etats généraux de 1308 qui
approuvèrent la condamnation de l'ordre alors que le Pape avait fait interrompre
la procédure royale enclenchée par Philippe le Bel. en demandant à
entendre lui-même les Templiers à Poitiers. Mais, la plupart des dignitaires
étant emprisonnés à Chinon, le
roi prétexta que les prisonniers (soixante-douze en tout, triés par lui-même)
étaient trop faibles pour faire le voyage. Le pape délégua alors deux cardinaux
pour aller entendre les témoins à Chinon en donnant l'absolution aux dirigeants
de l'ordre à cette occasion.
La première commission
pontificale qui se tint le 12 novembre 1309 à Paris visa à juger
l'ordre du Temple en tant que personne morale et non les personnes physiques.
Pour ce faire, elle envoya une
circulaire à tous les évêchés afin de faire venir les Templiers arrêtés pour
qu'ils comparaissent devant la commission. Un seul frère dénonça les aveux
faits sous la torture : Ponsard de Gisy, précepteur de la commanderie de
Payns, tandis que le 6 février 1310, quinze Templiers sur seize clamèrent leur innocence
avant d'être suivis par la plupart de leurs frères.
Souhaitant gagner du temps, le
roi fit nommer à l'archiépiscopat de Sens un
archevêque qui lui était totalement dévoué, Philippe de Marigny, demi-frère d'Enguerrand
de Marigny, qui envoya au bûcher le 12 mai 1310 cinquante-quatre Templiers qui
avaient renié leurs aveux faits sous la torture et étaient donc relaps.
Le concile de Vienne qui se
tint le 16 octobre 1311 dans la cathédrale Saint-Maurice, avait trois
objectifs : statuer sur le sort de l'ordre, discuter de la réforme de
l'Eglise et organiser une nouvelle
croisade tandis que sept Templiers décidèrent de s'y présenter en désirant
défendre leur ordre, ce qui incita le roi à venir avec des soldats pour faire
pression sur le Pape qui le 22 mars 1312 publia une bulle ordonnant l'abolition
définitive de l'ordre.
Par la suite, les biens du
Temple furent donnés en totalité à l'ordre de l'Hôpital, à l'exception de
l'Espagne et du Portugal où deux ordres naquirent sur ses cendres, celui de
Montesa et l'Ordre du Christ alors que ceux qui avaient avoué ou été déclarés
innocents se voyaient attribuer une rente en pouvant vivre:dans une maison de
l'ordre mais que tous ceux ayant nié ou s'étant rétractés, subiraient la peine
de mort.
En décembre 1313, une
commission pontificale fut nommée pour statuer sur le sort des quatre
dignitaires de l'ordre. Devant cette commission, ils réitérèrent leurs aveux et
le 11 ou 18 mars 1314 et furent amenés sur le parvis de
Notre-Dame-de-Paris afin que l'on
leur lût la sentence. C'est là que Jacques de Molay, maître de l'ordre du
Temple, Geoffroy de Charnay ,
précepteur de Normandie, Hugues de Pairaud, visiteur de France et Geoffroy de
Goneville, précepteur en Poitou-Aquitaine, apprirent
qu'ils étaient condamnés à la prison à vie.
Toutefois, Jacques de Molay et
Geoffroy de Charnay clamèrent leur innocence. Puisqu'ils avaient donc menti aux
juges de l'inquisition, ils, furent déclarés relaps et remis à la justice royale. Le
lendemain, Philippe le Bel convoqua son conseil et, faisant fi de l'avis des
cardinaux, condamna les deux Templiers au bûcher qui furent conduits sur l'Île
aux Juifs , face à l'île de la Cité effacée lors de la construction du
Pont-Neuf au 16e siècle, afin d'y
être brûlés vifs.
De Molay s'écria que Dieu
savait qui avait tort et qu'il arriverait malheur à ceux qui avaient condamné à
mort les Templiers en proclamant jusqu'à la fin son innocence et celle de son
ordre pour ajouter: « Vous serez tous maudits jusqu'à la treizième
génération », une pohrase qui inspira des historiens et Maurice Druon
lorsqu'il écrivit "Les Rois Maudits".
Les deux condamnés demandèrent
à tourner leurs visages vers la cathédrale Notre-Dame et ce fut avec la plus grande dignité qu'ils moururent. La
décision royale avait été si rapide que l'on s'aperçut après coup que la petite
île où avait été dressé le bûcher ne se trouvait pas sous la juridiction
royale, mais sous celle des moines de Saint-Germain-des-Prés, ce qui força le
roi à confirmer par écrit que
l'exécution ne portait nullement atteinte à leurs droits sur l'île.
Retrouvé en 2002 dans les
archives secrètes du Vatican, l'original du parchemin de Chinon indique clairement que
que Clément V avait finalement absous secrètement les dirigeants de l'ordre pour
démontrer ainsi que leur condamnation et leur mise à mort était bel et bien la
responsabilité du roi et non
celle du Pape ni de l'Église, contrairement à une fausse idée
largement répandue.
Tous les chevaliers,
frères et servants templiers ne furent pas exécutés et bon nombre d'entre eux retournèrent à la vie
civile ou furent accueillis par d'autres ordres religieux. Le Pape avait
auparavant ordonné de faire comparaître tous les Templiers des
provinces, et de les faire juger par des conciles provinciaux. Absous, ils pouvaient
recevoir une pension prise sur les biens de l'Ordre alors qu'en Catalogne leur
innocence fut reconnue par l'archevêque de Tarragone.
Dans le royaume d'Aragon , les
Templiers se répartirent dans différents Ordres, principalement dans celui de
Montesa, créé en 1317 par le roi Jacques II à partir de la branche des
Templiers reconnue innocente lors du procès de 1312 en France. Les biens du
Temple y furent transférés en 1319, mais également dans l'Ordre de
Saint-Georges-d'Alfama, fondé durant la
même période par fusion entre l'Ordre de Calatrava et les Templiers de France
réfugiés en Espagne.
Au Portugal, les biens des Templiers
furent réservés à l'initiative du roi pour la Couronne portugaise à
partir de 1309, et transférés en 1323 à l'Ordre du Christ dont on retrouva de
nombreuses influences dès le début des grandes découvertes portugaises avec sa croix sur
les voiles des navires de Vasco de Gama lors du passage du cap de Bonne-Espérance en
1498 alors que les voiles des navires de Christophe
Colomb lors de sa traversée de l'Atlantique en 1492 portaient plus probablement celle de
l'ordre de Calatrava.
En Angleterre, le roi Edouard II
avait d'abord refusé d'arrêter les Templiers et de saisir leurs biens avant
d'envoyer en décembre 1307 des lettres au Pape pour les défendre mais en
recevant la confirmation de ce dernier pour les arrêter, il décida de faire interpeller tous les membres de l'Ordre présents dans son pays pour les assigner à
résidence, sans toutefois recourir à la torture.
Un tribunal fut dressé en 1309
et finit par absoudre en 1310 les Templiers repentis. Le transfert des biens
des Templiers vers les Hospitaliers ordonné par la Bulle papale de Clément V en
1312 ne fut pas exécuté avant 1324. Ces biens revinrent plus tard à la Couronne
d'Angleterre en 1540 lorsque le roi Henri
VIII ordonna la dissolution de l'ordre des Hospitaliers et la confiscation
de leurs biens en nommant le prêtre de l'Eglise du Temple, "Maître du Temple".
En Écosse, l'ordre de Clément V
de confisquer tous les biens des Templiers, ne fut pas totalement appliqué, en
particulier depuis que l'excommunication du roi Robert 1er. L'Evêque de St Andrew leur accorda l'absolution en 1311 tandis que l'année
suivante, ils furent même absous en Angleterre et réconciliés dans l'Église.
En Europe centrale, les biens
de l'ordre furent confisqués puis redistribués pour certains aux Hospitaliers et pour d'autres à l'ordre Teutonique
mais peu d'arrestations eurent lieu et aucun Templier ne fut exécuté. Pour leur
part, les. princes allemands, séculiers et ecclésiastiques, avaient largement pris parti pour les templiers. Le synode de la province ecclésiastique
de Mayence se contenta de prononcer des absolutions, tout comme celui de la
province de Trêves. Enhardis par ces deux jugements, les Templiers essayèrent
de se maintenir sur les bords du Rhin et dans le Luxembourg et le diocèse de Trêves, et
probablement aussi dans le duché de Lorraine.
Restés sous la protection de
leurs familles et des seigneurs locaux, beaucoup de chevaliers se virent
attribuer une rente à vie, et d'importantes indemnités durent même être versées
par les Hospitaliers, en
dédommagement des biens confisqués, à tel point que ceux-ci durent parfois revendre
les biens qui venaient de leur être attribués.
Au cours de leur histoire, les
Templiers avaient vu leur réputation être mise en cause en raison de leurs
privilèges, de leur puissance et de la concurrence que l'Eglise ressentait.
Leur fin tragique contribua à générer des légendes à leur sujet, notamment à
propos de leur quête supposée du
Saint-Graal, l'existence d'un trésor caché (comme celui envisagé à
Rennes-le-Château) ou leur découverte
éventuelle de documents cachés sous le Temple
d'Hérode en donnant naissance à certaines hypothèses sur le pourquoi de
la création de la franc-maçonnerie qui serait issue en droite ligne de l'ordre
du Temple. De plus, certains groupements ou sociétés secrètes (tels que la Rose-Croix)
ou certaines sectes, telles que
l'Ordre du Temple solaire et
ses survivances, comme le Collège Templier, la Militia Templi ou l'Ordo Temlpli Orientis se réclameront par la suite de l'ordre,
affirmant leur descendance en s'appuyant sur la survivance secrète des Templiers,
sans parvenir pour autant à le prouver, ou en produisant même parfois de faux
documents.