Ouvrir une galerie d'art était courageux, une
décennie après la Guerre du Golfe et au moment des attentats contre les tours
du World Trade Center à New York mais, à moins d'avoir le calibre d'un Gagosian
ou d'un Perrotin, aujourd'hui c'est pratiquement un acte héroïque.
On ne parle pas ici du marché aux Puces de Saint-Ouen devenu un
mouroir pour les antiquaires qui ont été progressivement remplacés par des
marchands spécialisés dans l'art contemporain ou le Design mais des galeries
parisiennes et étrangères confrontées à une crise sans précédent dans le
secteur médian du marché.
Bref, si les oeuvres à plus de 500 000 euros s'arrachent au
profit de gens nantis, celles proposées entre 5000 et 50 000 euros sont
devenues très difficiles à vendre puisque les classes moyennes sont celles qui
ont le plus souffert du ralentissement économique constaté à travers la
planète.
La débâcle financière de 2008, prédite l'année précédente par
artcult, est passée par là avec un nombre importante de fermetures de galeries,
notamment à New York au milieu de 2015 lorsque les ventes ont subitement
diminué pour les exposer à des charges trop lourdes à supporter.
De nombreux professionnels actifs depuis des décennies ont ainsi
décidé de jeter l'éponge faute d'attirer de nouveaux clients et de pouvoir
rivaliser avec les grandes galeries qui brassent des millions d'euros chaque
mois. A moins d'avoir les moyens de subsister, il s'agit là non seulement d'un
drame pour les galeristes mais aussi pour les artistes à qui ils sont censés mettre le
pied à l'étrier.
Disons-le tout net, il n'y a pas d'espoir d'amélioration pour
ceux qui n'ont pas les moyens de s'adapter à la nouvelle configuration du
marché qui résiste bien pour les oeuvres de prix alors que les grands
marchands mettent le paquet pour les vendre en tentant de séduire de riches
collectionneurs qui n'ont ni le temps ni l'envie de pousser la porte d'une
petite galerie.
Le marché est en fait confronté à un nouveau cycle qui veut que
les galeries de moyenne importance ne peuvent plus se développer sans des
moyens financiers conséquents alors que les collectionneurs y font de plus en plus régner leur
loi en décidant de ce qui est bon à acheter. On l'a amèrement constaté à New
York où des dizaines de galeristes ont mis la clé sous la porte durant ces
derniers mois.
Dans les années 1980, il suffisait d'avoir peu d'argent et le
flair d'un Léo Castelli pour se développer et devenir un ponte du marché. A
cette époque, tout était possible. Ce n'est plus le cas aujourd'hui puisqu'il faut avoir la stature d'un Larry Gagosian pour s'adosser à des artistes qui savent se
promouvoir avec art.
Il n'est donc plus possible pour un artiste en devenir de
compter sur une galerie de moyenne importance pour se faire connaître tandis
que les galeristes se doivent d'être de redoutables hommes d'affaires. En
outre, la multiplication des galeries durant ces vingt dernières années à New
York a entraîné une hausse considérable des loyers.
Bizarrement, si des galeries ont fermé, d'autres sont venues les
remplacer malgré des loyers exorbitants, un fait incontestable puisque leur
nombre à New York est passé de 1138 à 1384 entre 2004 et 2015, ce qui a
signifié plus de compétition entre elles pour s'attirer des clients.
N'empêche, la durée de vie d'une galerie a diminué d'autant plus
que le volume d'affaires d'une entité moyenne a baissé d'environ 15% mais le
plus important est de savoir gérer en plus d'être un passionné d'art. Le
problème est que, contrairement aux années 1980 où l'argent coulait à flots, il
faut désormais ne pas s'endormir sur ses lauriers et plutôt se dépenser sans
compter pour maintenir sa barque à flot.
Il n'en demeure pas moins qu'en 2016, l'argent est plus que
jamais le nerf de la guerre et qu'il est impossible d'ouvrir une galerie avec
trois francs six sous parce que désormais, un galeriste se doit de créer
l'événement pour faire parler de lui sans rester assis sur sa chaise à
attendre des acheteurs.