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Les oeuvres d'art sont faites pour être fréquentées (Soulages)
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Le journal d'un fou d'art
Les fous d'art, ivres de savoir et de découvertes, riches ou moins nantis et sans cesse à l'affût des nouvelles relatives au marché de l'art, forment une belle légion à travers le monde. Sans eux, ce marché n'aurait donc sûrement rien de légendaire. Depuis plus d'une quinzaine d'années, Adrian Darmon a donc rassemblé à travers plus de 2200 pages de multiples anecdotes souvent croustillantes sur les chineurs, amateurs et autres acteurs de cet univers plutôt incroyable et parfois impitoyable.
VIIème Chapitre
CUISINE CHINOISE ET MENU GAY CHEZ NAVARRA
01 Avril 2001 |
Cet article se compose de 2 pages.
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Navarra nous offre ainsi un tour d'horizon détonant et étonnant sur un art expérimental chinois en pleine vibration, débridé mais encore respectueux de la tradition, caustique mais encore peu critique à l'égard d'une société chinoise qui opère rapidement sa mue dans les coulisses grâce au vent de liberté qui continue de souffler à Hong Kong et dont les courants d'air ou d'art atteignent Canton, Shanghaï ou Pékin mine ou Ming de rien. Les œuvres de Sébastien Moreu font difficilement contrepoids à ce qu'on pourrait appeler ce florilège chinois, non pas parce qu'elles sont dénuées d'intérêt mais plutôt du fait que cet artiste limite son registre en alliant le roman-photo, à l'anecdote, aux charades et à un érotisme plutôt gay à première vue. On sent les influences de Basquiat, Rotella, Hains, Ben ou de La Villeglé percer à travers des œuvres attirantes, quoique Moreu tente quelque part de nous forcer la main avec certaines formules toutes trouvées tout en ne prétendant pas être un peintre dans le sens du terme mais plutôt un créateur de roman-photo. Apparemment, Moreu, adepte du noctambulisme branché qui a passé une bonne partie de sa vie à Saint Tropez, devenu depuis belle lurette un lieu de pèlerinage de la Jet-Set, aimerait bien être considéré comme un nouveau Basquiat ou sinon comme son digne successeur. Avec Navarra comme moteur de cet artiste à la palette jet-ski, il peut néanmoins espérer aller loin…
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Le soir, vernissage chez Enrico Navarra des expositions consacrées à des artistes chinois et à Sébastien Moreu, un jeune artiste qui prend le temps de vivre. D'un côté une cuisine asiatique et de l'autre un menu aux accents gay. Navarra a déjà un art consommé de la mise en scène et sait attirer le «Tout-Paris» pratiquement tous les mois de l'année. Voilà un galeriste qui ose se mouiller héroïquement, tant sur le plan hexagonal qu'au niveau international. Il a été ainsi un des premiers à mettre le pied en Asie pour présenter des expositions importantes, notamment consacrées à Chagall et à Bernar Venet à Hong Kong. Il lui semblait donc naturel d'exposer des artistes chinois chez lui alors que l'art expérimental en Chine connaît une fantastique percée alors que ce pays s'ouvre un peu plus sur le monde. Le pari de Navarra peut paradoxalement sembler audacieux mais à y regarder de plus près, il repose sur le fait que l'art contemporain chinois fait déjà un tabac en Asie depuis une dizaine d'années. Les artistes expérimentaux chinois ont vite repris à leur compte les discours artistiques occidentaux en les agrémentant avec leur propre « sauce soja » sans rien renier de leur propre culture tout en oscillant entre la propagande et l'art populaire dans la production d'œuvres d'inspiration typiquement Pop. Chez Navarra, les artistes chinois manient l'humour et l'ironie avec une liberté étonnante, tels Liu Jianhua avec ses œuvres en céramique montrant des filles aux robes fendues dans des poses érotiques, les jambes nues jusqu'au haut des cuisses ou des mannequins dont on ne voit que le sexe ou les jambes, Feng Mengbo avec ses installations aux couleurs criardes et ses œuvres en vidéo mêlant le virtuel au réel, Gu Wenda, adepte de la calligraphie monumentale, Liu Wei avec ses images existentielles nimbées d'esprit de propagande et de capitalisme déguisé, Mao Xuhui qui traduit le pouvoir avec des ciseaux, Qiu Zhijie avec ses photographies qui mêlent tradition et modernité Shen Xiaotong qui montre des scènes de rue ou des portraits avec des fonds vides et où les yeux des personnages capturent avec intensité ceux du spectateur, Sui Jianguo avec ses uniformes et ses figures mythiques en fibre de verre, nues ou habillées en costumes Mao, Wang Ziwei qui conjugue Maoïsme et Pop Art avec des clins d'œil adressés à Lichtenstein, Dali et Disney, Wu Shanzhuan lequel joue avec les messages et les graffiti à la manière d'un Basquiat chinoisé, Yu Youhan, qui combine propagande et avant-gardisme, Zeng Hao, qui joue avec la miniaturisation des sujets comme pour en faire des jouets en les plaçant à distance pour amplifier l'espace, Zhang Xiaogang, apôtre de l'idéal avec une propension à rendre secrets et ambigus ses personnages aux yeux terriblement pénétrants et enfin, Zhao Shaoruo, metteur en scène de la vie quotidienne dont certains pans restent à remplir.
Navarra nous offre ainsi un tour d'horizon détonant et étonnant sur un art expérimental chinois en pleine vibration, débridé mais encore respectueux de la tradition, caustique mais encore peu critique à l'égard d'une société chinoise qui opère rapidement sa mue dans les coulisses grâce au vent de liberté qui continue de souffler à Hong Kong et dont les courants d'air ou d'art atteignent Canton, Shanghaï ou Pékin mine ou Ming de rien. Les œuvres de Sébastien Moreu font difficilement contrepoids à ce qu'on pourrait appeler ce florilège chinois, non pas parce qu'elles sont dénuées d'intérêt mais plutôt du fait que cet artiste limite son registre en alliant le roman-photo, à l'anecdote, aux charades et à un érotisme plutôt gay à première vue. On sent les influences de Basquiat, Rotella, Hains, Ben ou de La Villeglé percer à travers des œuvres attirantes, quoique Moreu tente quelque part de nous forcer la main avec certaines formules toutes trouvées tout en ne prétendant pas être un peintre dans le sens du terme mais plutôt un créateur de roman-photo. Apparemment, Moreu, adepte du noctambulisme branché qui a passé une bonne partie de sa vie à Saint Tropez, devenu depuis belle lurette un lieu de pèlerinage de la Jet-Set, aimerait bien être considéré comme un nouveau Basquiat ou sinon comme son digne successeur. Avec Navarra comme moteur de cet artiste à la palette jet-ski, il peut néanmoins espérer aller loin…
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