Vendredi 16 février, le marché aux Puces de Saint-Ouen offre toujours son visage de morne plaine alors qu'il y règne un froid de canard. La bonne marchandise manque cruellement et ce constat vaut également pour Drouot où on ne vend que de la drouille depuis la rentrée de janvier. La rumeur a enflé depuis des jours puis s'est précisée. Le marché Paul Bert est infesté de termites qui ont trouvé une formidable nourriture dans les stands. Tout ce qui est en bois y passe, meubles, cadres, boîtes et ces insectes ne s'arrêtent pas là puisqu'ils s'attaquent également à tout ce qui est en plâtre. Un désastre…
A chaque achat, les termites émigrent bien entendu ailleurs et élargissent ainsi leur terrain d'attaque. Il faut avouer que ces bestioles ravageuses ont de la suite dans les idées puisqu'elles ont choisi les Puces, synonyme de cousinage, pour faire leur nid et se répandre d'étal en étal pour «lyophiliser» les meubles à leur manière et offrir ainsi à la clientèle du Henri II, du Louis XV ou du Napoléon III en poudre…
A 8 heures, Michael le chineur fou est parvenu quand même à acheter un tableau de l'Ecole de Paris et une gouache du XVIIe siècle représentant une scène mythologique.
Il pensait s'en être arrêté là lorsque Radovan, un brocanteur d'origine roumaine, l'a alpagué rue Paul Bert pour lui montrer une œuvre du peintre Issachar Rybak (1897-1935) qui fut un temps le rival de Chagall.
Cela faisait des semaines que le brocanteur lui avait parlé de sa trouvaille, un chef d'œuvre paraît-il, trouvé avec six autres toiles lors du débarras d'une cave dans le XVIe arrondissement en octobre 2000.
Ce dernier a enfin le tableau, qu'il a dû faire restaurer car la partie inférieure avait été rongée par l'humidité durant des dizaines d'années. Michaël consent à voir la « bête » que Radovan a laissé en dépôt dans un stand de Saint-Ouen et pour laquelle il demande un prix faramineux.
Le brocanteur l'entraîne vers le stand où trône un magnifique tableau représentant une scène du folklore juif. Michael retient alors son souffle tout en émettant des réserves au sujet de l'état de la toile, craquelée et légèrement boursouflée à certains endroits. Cependant, il n'y a pas de doute, il s'agit bien d'un splendide Rybak peint en 1927.
Radovan lui déclare qu'il est disposé à vendre cette oeuvre car les affaires ont été nulles depuis deux mois et qu'il lui faut rembourser plusieurs créanciers.
En s'exprimant de la sorte, il se met d'emblée dans une situation de faiblesse qui ne va pas manquer de profiter à son interlocuteur.
Michael lui offre la moitié de la somme qu'il réclame, ce qui le fait renâcler mais le chineur lui précise qu'il a pour principe de ne jamais dépasser ses capacités financières. C'est donc à prendre ou à laisser mais le brocanteur, qui a l'air d'être tellement pendu, se met à réfléchir tout en essayant de le convaincre mollement de se montrer plus généreux.