Enfin des nouvelles de J.R… Ne parvenant pas à régler son énième dette contractée auprès d'un nouveau gogo, il a bien entendu préféré rester caché et ne compte réapparaître qu'avec la certitude que sa victime ne lui fera pas un mauvais parti pour se venger d'avoir été grugée. S'il m'appelle sur mon portable, c'est probablement pour prendre la température sachant que je rencontre pas mal de gens qui le connaissent. Je le rassure à moitié en l'informant que le marchand qui lui a fixé un délai pour le rembourser n'a pas encore pris la peine de faire publier sur Internet sa photo accompagnée de la mention «Wanted».
Je lui signale quand même que tôt ou tard, il n'échappera pas à ce châtiment qu'on pourrait considérer comme exemplaire car il a poussé le bouchon trop loin. Plus aux abois que jamais, cet inconscient de J.R risque cette fois-ci de ne plus s'en sortir, à moins d'un miracle qu'il n'aurait plus qu'à provoquer contraint et forcé en sortant de dessous son lit un trésor qu'il a mis au frais dans l'espoir de toucher enfin le jackpot. Alors, comme d'habitude, il vendra sa merveille à vil prix pour se renflouer. Je devrais surnommer J.R le «Titanic» de la chine tellement il a failli couler de nombreuses fois en se heurtant à de supposés candides qui paradoxalement n'ont pas été de glace.
Toutes les découvertes faites par J.R depuis plus de 25 ans auraient eu de quoi lui rapporter gros mais notre homme a littéralement fini par se noyer dans sa fourberie qui ne lui a pas permis d'avoir un comportement cohérent. Tout cela parce qu'un jour, il a malencontreusement perdu ses papiers d'identité et qu'il a été pris d'une peur panique à l'idée de les faire renouveler auprès des autorités espagnoles qui, pensait-il, le recherchaient pour avoir été réfractaire au service militaire du temps de Franco. Depuis ce jour funeste, J.R a basculé dans une clandestinité ridicule qui l'a transformé en chineur à part, véritable fantôme, vulnérable, paranoïaque, glauque, irresponsable, imprévisible et par là-même dangereux.
Le roman de J.R, complètement ubuesque mais absolument véridique, donne ainsi un piment particulier à ce journal, un peu dans le goût des «Misérables» de Victor Hugo sauf qu'en dépit de son état de fugitif, ce pauvre zèbre a plus le profil d'un Ténardier que d'un Jean Valjean désireux de se racheter. Et dire que sans cette histoire stupide de papiers perdus, J.R aurait certainement été plus d'une fois fêté par le Club des Rêveurs Anonymes de Drouot…
Mieux vaut le laisser se morfondre dans les bas-fonds du marché de l'art que d'autres ont réussi à quitter au bout d'un certain temps pour gravir les échelons du succès tels de nombreux personnages partis de rien qui sont ensuite devenus de grands marchands de tableaux Rive Droite ou Rive Gauche.
Singulièrement, la réussite rend souvent les mémoires défaillantes et s'accompagne de blancs dans de nombreux C.V et pourtant, presque tout se sait et se colporte dans ce milieu alors que le club des grands marchands cherche férocement à rester hermétique aux gens du dehors. Les histoires concernant l'élite du marché finissent souvent par se transformer en vérités déguisées ou simplement en impostures à travers divers bruits de couloirs qui sont autant de surenchères. Dans ce registre, on ne vend plus alors d'objets ni de tableaux mais plutôt des rumeurs compilées dans un catalogue de "sottes bises"…
Lundi 5 février, le «Dinosaure» est déconfit pour la bonne raison qu'il pensait avoir fait une superbe découverte chez un de ces particuliers aisés mais niais qui l'ont rendu riche. Cette fois-ci, il été persuadé d'avoir mis la main sur le superbe «Degas» dont il m'avait parlé et qui pouvait valoir dix millions de dollars, mais ce n'était qu'une banale chromo. On ne peut pas gagner à tous les coups ...